ça va êt' tout noir ! ... [Terminé]

Il y a des fois où on se demande pourquoi on fait certaines choses. Dans le cas de Lou, elle n'avait tout simplement pas réfléchi au fait de traverser ce désert. On a pas idée de chercher un portail quand on ne sait ni où il est ni se repérer dans une ville que l'on est sensé connaitre comme sa poche. Mais sans s'aventurer plus avant dans le rapport quasi inexistant entre la logique et le cerveau féminin, décrivons le lieu où s'est égarée cette pauvre enfant. Eh bien...Il y fait noir. Pouvons-nous en dire plus ? Non, je crains bien que le mot "caverne" parle suffisamment de lui-même pour que je m'évertue à vous faire un descriptif détaillé de cet endroit sordide et surtout inéclairé. En parlant de lumière, la jeune femme se rendit compte qu'elle n'avait strictement rien pour espérer d'y voir quelque chose.

Et si nous parlions de pourquoi elle se trouve ici ? Oui, ça fera toujours quelques lignes en plus. Après avoir passé la nuit sur un vaisseau fantôme truffé de zombies menés par une morue chanteuse d'opéra à la gorge tranchée, elle était repartie en laissant tomber ce boulet de compagnon de mésaventure qui lui portait la poisse pour continuer sa route vers nulle part. Si elle avait un but, ce serait trop beau, voyons. Après danse avec les morts vivants, Lou avait donc déguerpi loin de l'aimant à ennuis ambulant dont elle ne savait toujours pas le nom et ce n'était pas bien grave, d'ailleurs. Faisons l'impasse sur les détails de la première journée de marche, la seule chose notable était qu'elle s'était pris à deux reprises les pieds dans des racines à force de regarder en l'air en rêvassant. Ce jour-là, en revanche, elle avait continué sa route sans encombre jusqu'à tomber sur une tribu un peu étrange avec laquelle elle eut du mal à s'expliquer. A tel point qu'elle n'eut même pas le temps de dire ouf qu'un autochtone l'avait saisie à bras le corps et commençait à la trimballer comme un sac sur son épaule. Ne sachant pas trop ce qu'il allait lui arriver et surtout quelles idées ils avaient derrière la tête, elle avait décidé de protester. Ils parlaient pourtant le même langage, c'était surtout ça le pire. Enfin, les mots étaient les mêmes, mais leur sens, ça restait à prouver. Ne voulant ni être mangée, brûlée vive ou découpée pour elle ne savait trop quelle raison mystique -voire être prisonnière à vie-, elle se servit pour une fois du peu de muscles qu'elle avait et surtout du vieille adage : "oser s'attaquer à une faible femme sans défense" pour filer un coup de pied dans une partie sensible de l'anatomie de son preneur d'otage.

Mais quel est le lien avec cette foutue caverne ? Eh bien une fois sur le sol, elle avait couru comme une dératée jusqu'à cet endroit qui était encore un peu éclairé par la lumière du jour quand elle était entrée. Non pas qu'il fasse nuit, mais arrivé à un certain stade, les rayons du soleil ne passent plus. Surtout à travers la roche. Bref, elle n'y voyait plus rien. Le pire, c'est que pour une fois, elle avait eu un soupçon de jugeote. Ah si, si, c'est terrible quand ça lui arrive. Comprenant donc qu'il ne valait mieux pas rester trop près de l'entrée de la cavité, Lou avait avancé en se fiant à la paroi. Ce n'était pas la meilleure chose à faire, surtout quand on ne connait pas les lieux. Et dans le noir, qui plus est. Mais allez lui expliquer ! De toute façon, c'était trop tard, maintenant qu'elle y était.

La main contre la roche, elle avançait donc sans savoir où elle allait, pas rassurée le moins du monde à l'idée que la tribu ait pu la suivre. Hein ? Mourir dans ce labyrinthe ? Non, elle n'y avait pas encore pensé. Mais ça viendra, un peu de patience. Elle était d'ailleurs en voie de s'en inquiéter quand un léger bruit la surprit. Retour vers l'anxiété inutile numéro un. Elle lâcha sa prise et se tourna vivement. Mais sans comprendre pas quel miracle le sol était glissant dans un endroit aussi désertique, elle chuta sans ménagement, emportant avec elle une masse qui semblait à première vue humaine. Enfin, à première vue, si l'on puît dire ! Ce fut donc malheureusement pour cet individu qu'elle essaya de se relever à l'aide de ses mains après lui être lâchement tombée dessus. L'une de ses paumes s'appuya sur le sol, en revanche, la deuxième rencontra une surface irrégulière qui après une courte réflexion devait être un visage. Oui, ça avait l'air d'y ressembler. Avec un petit "Excusez-moi.", elle prit appui ailleurs et se remit sur ses pieds. Voulant -dans une bonne intention, ne l'oublions pas- lui laisser la place de se relever à son tour, elle se prit les pieds dans la jambe de l'individu. "Mais zut !" fut la seule chose qu'elle parvint à dire tandis qu'elle lui retombait dessus. Avais-je oublié de vous dire qu'elle était maladroite ? "Je suis vraiment désolée, excusez-moi."

Quelle journée pourrie. Perdu dans le désert, rencontre bizarre et… Cerveau complètement embrouillé. Oui, dans cette caverne complètement noir, il voyait des couleurs, entendait de nombreux son, passant du cor de guerre à l’âne qui braille. En fait, depuis qu’il avait rencontré cette tribu, rien n’allait comme il faut. Il errait dans le désert depuis un moment quand une tribu emmitouflé de nombreux turbans l’avait rencontré. Le peu de souvenirs qui lui restait lui rappelait qu’ils n’avaient pas été agressif. Ils lui avait donné de l’eau, accueillis dans leur village et… Fait fumé un calumet. Oui, une longue pipe qu’il avait du tenir à deux mains. En venant dans leur village, Halldor pensait pouvoir alimenter son expérience, pour continuer à écrire son livre, mais ce ne fut pas le cas. Les herbes qu’il avait fumé l’avait drogué. Il s’était enfui du village sans pouvoir s’en rendre compte. Et d’après ce qu’il avait compris à leurs cris enragés, c’était un crime de partir sans dire au revoir. En tout cas, il avait erré et il s’était retrouvé dans une grotte, au début de la journée éclairé et maintenant très sombre. L’effet des herbes commençaient à disparaitre, mais ça faisait des heures qu’il marchait dans cette gigantesque caverne.

 « Oooh, bordel, j‘ai mal à la tête… Je sais pas où je suis, je sais pas ce qu‘ils m‘ont donné. »

Une errance transformé en véritable torture. En plus la soif le tiraillait. Alors que ses yeux mi-clos trainaient dans le noir, une flamme apparut au loin dans la grotte. Des hommes se déplaçaient, transportant le flambeau. Puis tout disparut, certainement une illusion du aux herbes. Il se frotta les yeux, se retourna mais un corps rentra en contact avec lui. Il tomba complètement en arrière et se cogna la tête à la pierre. Le choc eu pour effet de le sonner, mais bizarrement il se sentait bien plus éveillé et conscient qu’avant. Un choc pour un bien. Il entendit une petite voix souffler des excuses. Une main tâté son visage et puis elle prit appui sur son épaule pour se lever. Douleur, une roche pointu sous son épaule. Mais il ne pipait mot. Alors qu’il se relevait, elle trébuche sur ses jambes et lui aussi retombe. Nouveau choc au crâne.

 « Bordel! Faites gaffe! » 

La phrase l’avait échappé. La jeune femme lâché, elle, un zut et s’excusez à nouveau. Mais Halldor avait trouvé un nouveau confort. Il étouffait entre les deux seins de la jeune femme, mais quelle magnifique mort qu’étouffer ici. Enfin, cette fois c’était à Halldor de l’aider. Il la pris par les bras et l’aida à se relever. Il ne la voyait pratiquement pas. Alors qu’Halldor ouvrait la bouche pour parler, des mains étrangères l’attrapait lui et Lou. Les flambeaux s’allumèrent autour d’eux. Que des hommes. Halldor n’avait pas assez de force pour se rebiffer. Encore un peu dans les vapes, ils reconnu les autochtones qui l’avait amené dans leur village. Ils l’avait retrouvé. L’un d’eux engueulait Halldor. Mais ils n’avaient pas l’air bien méchant. Ils ligotèrent les mains du jeune homme et de Lou et les firent s’asseoir de force. L’un d’eux articula difficilement.

 « Le… Traducteeeeeuuur, arriiiive. » 

Ils avaient tout prévu bon sang. Leurs intentions n’avaient pas l’air mauvaises, mais on aurait dit qu’ils respectait avec obligations avec leur traditions. Certains avaient l’air de connaître la jeune femme, l’un d’eux se masser les testicules en lui lançant des regards noir. Halldor, toujours relativement flegmatique se tourna vers Lou et vit enfin la personne. Petite, elle était jolie. De longs cheveux noir, des habits noir. Le jeune homme eu un rougissement qu’il effaça bien vite. De sa voix calme, silencieuse et cette fois-ci lassé il lui adressa la parole.

 « Vous savez, c’est pas mon genre de faire des familiarité, en fait j’aime pas ça. Mais j’ai eu une journée tellement pourrie, et ont est tellement dans le caca que bon… Je m’appelle Halldor, ils m’ont fait fumer des herbes bizarre et sans le voulori je me suis enfui de leur village. Y ont pas aimé, ça doit-être une insulte, un truc dans le genre. Et vous leur avez fait quoi vous? C’est quoi votre petit nom? 

La chose avait juré. Oui, la chose, elle ne savait pas encore que c'était un homme. Enfin, elle avait reconnu une voix masculine mais malgré la sensation d'une peau disons humaine sous sa main, ce pouvait être n'importe quelle créature comme un homme somme toute banal. De toute façon, dans le noir, que pouvait-elle en savoir ? Elle voulait simplement avoir la paix et priait pour que ça ne soit pas un de ces sauvages qui l'avaient prise pour un sac de pommes de terre. Mais non, ça jurait dans sa langue, alors tout devrait bien se passer. Quoique...Non mais je ne dis pas que ce monsieur était malhonnête...Mais peut-être réellement juger un inconnu dans le noir, mmh ? Même pas voir sa tête pour dire si elle nous revient ou non, vous vous imaginez ?

Par contre, la situation n'était pas pour l'arranger. Elle sentait très bien le nez de cet individu dans sa poitrine, ce qui ne lui plaisait pas vraiment. D'ailleurs, elle ne se demandait pas s'il allait étouffer là-dedans, il n'y en avait pas assez pour. Quoique s'il avait un petit nez...Et puis zut ! Pourquoi elle était retombée comme ça, hein ? Les joues légèrement rougies, elle n'osa plus bouger, sentant bien qu'il était en train de se relever. Il lui vint d'ailleurs gentiment en aide, même pas brutalement ce qui aurait pu être le cas vu qu'il l'avait saisie par les bras. Elle distinguait à peine sa silhouette. Il était plus grand qu'elle, même s'il n'était pas d'une taille extraordinaire pour un homme. Du moins, c'était ce qu'elle percevait de lui.

Elle allait le remercier quand une paire de mains qui ne devait pas lui appartenir s'empara d'elle fermement. Avant qu'elle n'ait le temps de comprendre ou même de résister, elle avait les mains attachées dans le dos. Charmant...Non, si ! La lumière fut sans que personne ne le demande et elle croisa un instant le regard de l'inconnu sur qui elle était tombée dans tous les sens du terme. Reconnaissant la horde d'hommes qui l'avait confondue avec de la marchandise, elle soupira profondément. Ils semblaient en avoir aussi après ce jeune homme. En se disant qu'elle n'avait de toute façon pas le choix, elle s'assit en tailleurs sur le sol, cédant à la forte pression sur ses épaules. *Rancunier avec ça ? Pauvre chou.* ironisa la jeune femme en son for intérieur.

Eh bien ! Enfin une bonne initiative, un traducteur ! Ils allaient pouvoir s'expliquer. Surtout avec l'autre pervers qui marchait de travers. C'était ça de s'en prendre une jeune femme inconnue sans évaluer d'abord ses réactions. Lou n'était pas spécialement violente, mais elle tenait à la vie et à sa tranquillité plus qu'à connaître des expériences...disons douteuses. On ne sait jamais sur quoi on peut tomber en tant que représentante du sexe féminin, on a vite de sacrées surprises...Même si dans l'ensemble, elle était plutôt inconsciente.

Elle surveillait du regard ce que faisaient les zouaves sans s'occuper de l'individu à ses côtés. Elle sentit cependant son regard sur elle et tourna la tête vers lui par politesse quand il s'adressa à elle. Elle en profita pour le dévisager. Il faisait jeune, il devait avoir à peu près son âge...Non, plus jeune, sans doute. Il n'était pas d'une beauté remarquable mais avait quelque chose, surtout dans son attitude, qui attirait l'attention. Oui, il avait un certain charme, mais ça n'était pas vraiment là-dessus qu'elle était concentrée pour le moment. Bon, visiblement il avait été bien traité par les tachons en face. Peut-être qu'ils n'auraient pas été méchants avec elle...Oui mais dans un sens, tout peut être bien vu si on part de la volonté ou du fond des gens.

Bon, il fallait bien répondre. "Lou." Un sourire remonta le coin de sa lèvre tout en creusant une fossette sur sa joue. "J'ai...refusé un peu brutalement de suivre le monsieur là-bas après un vague compliment sur mes yeux, une ou deux remarques sur ma poitrine et qu'il me prenne sur son épaule comme un sac sans me demander mon avis. Monsieur n'a pas aimé que je résiste à son charme...ma foi tout relatif."

Une chose la frappa enfin. Tant qu'elle était dans l'obscurité, ça allait, mais maintenant qu'elle était en pleine lumière et qu'elle voyait les parois, sans aucune issue à proximité...Les espaces clos, son cauchemar...Elle expira discrètement l'air de ses poumons et fixa le sol devant elle, se concentrant sur autre chose. Elle n'avait pas envie de parler avec ce garçon. De toute façon, Lou ne parlait pas beaucoup. Et puis pour lui dire quoi ? Rien. Et quand on a rien à se dire, on fait mieux de se taire.

Des bruits de pas se firent entendre et le fameux traducteur débarqua. Il leur adressa un sourire presque trop grand pour être honnête. *Génial...* Avec cet air de marchand de tapis qui a dégoté le bon touriste du coin, il s'approcha d'eux et salua Halldor. *De mieux en mieux, il m'ignore...Tant qu'on me laisse pas là.* L'homme qui parlait plus tôt avec véhémence au rouquin s'y remit de plus belle, cette fois-ci appuyé par son interprète. "Nous t'avons offert à manger, à boire et à dormir. Pourquoi partir comme ça ? Nous t'avons reçu mal ? Qu'est-il arrivé à toi ?" demanda-t-il avec un peu de mal. Au moins, celui-là, on le comprenait. Il attendit un moment qu'il réponde, puis une autre question fusa dans le dos du traducteur instantané. Il pointa Lou du doigt. "Elle est à toi ?" Cette dernière haussa un sourcil. Qu'est-ce qu'il voulait dire par là ? Si elle était avec lui ou si elle était sa propriété. Elle avait quand même l'impression que c'était la deuxième solution. Enfin, le mieux c'était de se taire.

Elle était bien contente que le bigleux ne lui adresse pas la parole, elle sentait déjà d'ici son haleine fétide. Il fallait cependant avouer que ce n'était rien comparé à la puanteur des cadavres en décomposition parfum crevette, mais tout de même. Sans doute que le manque d'eau dans leur alimentation ne devait qu'encourager ce relent absolument immonde à s'étaler dans les airs. Dans un sens, elle était heureuse de ne pas avoir été invitée à dîner, au moins, elle savait ce qu'elle avait mangé. Et puis, avec le coup de ces fameuses herbes, elle ne savait pas trop si c'aurait été une bonne chose d'accepter l'invitation en souriant comme la niaise qu'elle était quelques mois plus tôt.

La question sur son appartenance ou non au jeune homme n'était toujours pas réglée. Elle ne savait pas ce qui était le mieux : être la propriété d'un inconnu qui parlait sa langue ou une marchandise en liberté indigne de négocier. En plus il avait mal supporté les herbes magiques...Elle s'était retenue de rire, même si elle avouait qu'elle n'aurait pas été mieux à sa place. Mais elle se demandait si elle pouvait compter sur lui pour une éventuelle évasion. Serait-il diminué, du coup ? Peut-être qu'après tout, il n'allait pas essayer de prendre la poudre d'escampette et avait décidé de rester parmi eux...Cependant, elle s'inquiétait de savoir ce qui se passerait quelque soit la réponse du dénommé Halldor. Dans un sens, s'il disait qu'elle lui appartenait, elle n'aurait rien à dire pour les indigènes et elle pourrait devenir une vraie marchandise, voire une monnaie d'échange. En même temps, c'était d'une logique implacable. La première monnaie d'échange de l'histoire de l'humanité et du reste. Pourquoi changer les bonnes vieilles habitudes ? Mais elle gardait tout de même espoir qu'il soit aussi sympathique qu'elle le trouvait. Entre cyniques et grands bavards, on sait s'entendre.

Les deux tarés enturbannés discutaillaient bien dans leur coin tandis qu'elle se demandait quel sort allait lui être réservé, d'autant que la question n'était toujours pas résolue. Elle soupira alors de nouveau, se demandant quand est-ce qu'elle allait sortir de cet espace clos. Lou sentit un mouvement près d'elle et vit le jeune homme se rapprocher. Voyant qu'il allait dire quelque chose, elle pencha la tête vers lui pour être sûre de bien l'entendre. De toute façon, elle ne voyait pas en quoi ça posait un problème qu'ils communiquent. Elle acquiesça d'un signe de tête puis glissa un léger "D'accord." avant de se redresser. Elle comprenait à peu près où il venait en venir, mais ça ne la tranquillisait pas trop. Qu'est-ce qu'il allait faire ? Il valait mieux se détendre et attendre la suite...Et surtout ne pas se vexer. C'était sans doute la partie la plus facile de l'opération. C'était conserver son calme qui allait être plus dur.

Non ? Il n'avait pas osé ? En faisant la promotion de l'article, en plus...Si elle ne le pensait pas encore un brin honnête, elle se serait volontiers levée pour lui coller son pied dans la tronche. Depuis valse avec la morue, elle était devenue un poil plus agressive et le fait d'être enfermée dans cette...caverne la mettait sur les nerfs. La question qui lui venait était surtout est-ce qu'il n'était pas suffisamment tordu pour s'excuser avant de faire un sale coup et la laisser se débrouiller ? Après tout, elle ne le connaissait pas...Mais elle se disait qu'elle devait faire confiance à cet inconnu, malgré tout. Avait-elle vraiment le choix, de toute façon ?

Elle ferma les yeux en soupirant longuement tandis que les sifflements et autres exclamations résonnaient contre la paroi. Il fallait qu'elle trouve une idée pour ne pas s'enliser dans la situation. Admettons que ce soit son "maître" et qu'elle l'ait suivie jusque là, ils devaient bien avoir un certain degré de proximité ? Pas obligatoirement. Admettons quand même, elle pouvait gratter quelques instants de plus avant d'être prise d'assaut. Une main la saisit au menton et elle dut rouvrir les yeux. Le traducteur à l'haleine de rat lui adressait un sourire ravi.

"Tu as plus d'avoir de peur. Nos mâles sont très doux."
*A la bonne heure ! Qu'est-ce que j'en ai à s'couer, tocard !?*
Elle lui adressa cependant un léger sourire, sentant que si elle ne s'éloignait pas de cette horde en manque, elle risquait de finir dans un état non désirable.

"Pardon, mais est-ce que je peux faire mes adieux à mon maître ? S'il vous plait." Il se retourna vers les autres pour sans doute traduire ce qu'elle venait de dire. Des moqueries jaillirent ainsi que des rires. Forcément, elle devait passer pour une sacrée cruche, mais elle s'en fichait. Le traducteur la regarda avec ce même sourire débile. "Oui. Vas-y. Tu peux faire le temps qu'on donne ce que il a demandé."

Elle le remercia donc et se leva pour rejoindre Halldor en quelques pas. Tandis qu'elle s'approchait de lui, des bruits de succions voulant imiter celui d'un baiser se firent entendre. Bah voyons ! Qu'ils se grattent ! Sans se soucier d'eux, elle approcha sa bouche de l'oreille du jeune homme et murmura : "Dites-moi que vous avez une autre idée que me laisser avec ces macaques."

Elle ne s'attendait à rien de particuliers quant à sa réaction. Il pouvait très bien faire ce qu'il voulait, tant qu'il ne la touchait pas, ça l'arrangeait. On ne sait jamais, un homme peut toujours abuser de la situation en invoquant la bonne cause. Comment ça j'exagère ? A moitié, voyons, à moitié ! Il ne répondit pas, ce qui n'était pas non plus pour la rassurer. Il se contenta de la bousculer et la faire tomber sur le sol comme une poupée de chiffon. Elle tomba sur l'épaule qui avait quelques jours plus tôt rencontré un mât de plein fouet. *Aïe...Sale bête !* Bon, en même temps, il ne pouvait pas le savoir ni le deviner et le hasard fait toujours bien les choses, hein ? Des ricanements se firent entendre. Forcément, elle devait passer pour une pauvre fille. Enfin, elle espérait que ce rejet si soudain n'était pas sincère, sinon elle était mal barrée, surtout encore attachée. Et dire que lui venait d'être libéré...Ce sourire ? Oh ! ça devenait intéressant ! Entre hypocrites, on sait se reconnaître quand on fait un mauvais coup.
...

Par contre, ce genre de remarques, il aurait pu s'en passer. Une garce au pieu, hein ? Heureusement qu'elle n'était pas rancunière car un petit monsieur en aurait bien pris pour son grade une fois qu'elle serait sortie de cette mauvaise passe. Mais elle n'en ferait rien. Au pire une mauvaise blague. Oui, voilà, un truc de mauvais goût qui ne serait même pas amusant mais qui fait toujours plaisir à recaser. Tandis que les autres riaient à gorges déployées, Lou ne décrochait pas son regard de cette poignée de mains. Quelque chose lui semblait étrange. Pourquoi Halldor utilisait-il tant de force ? Elle eut la réponse assez vite et en fut soulagée. Elle profita du calme ambiant pour se redresser. Bon, il ne fallait pas traîner, maintenant. Malgré les jérémiades du bigleux puant, le jeune homme se rapprochait d'elle. Elle se leva, prête à le suivre et fut soulagée de voir qu'un instant plus tard, ses mains étaient déliées. Du moins, libres de leurs mouvements.

Joie ! Miracle ! La sortie était enfin là, toute proche et surtout bien visible. Enfin une bonne nouvelle ! Elle avait l'impression que les parois s'étaient éloignées d'au moins trois bons mètres, alors qu'en réalité, elles étaient toujours à la même place. Par réflexe et surtout pour ne pas non plus être un poids, elle saisit sa navaja et la déplia d'un coup sec. Elle ne savait pas si c'était vraiment utile, mais au moins elle avait de quoi se défendre si on lui courait après. Reculant en même temps que son nouveau compagnon d'aventure, elle voyait tout le village avancer en même temps qu'eux. C'était pas terrible...Mais ils devraient faire avec.

La sensation brûlante des derniers rayons du soleil s'abattit sur son dos. Elle était sortie de là. L'ordre fusa d'un coup et elle réagit au quart de tour. Courir. Une chose qu'elle savait très bien faire depuis qu'elle voyageait toute seule. Le seul truc qui servait dans presque toutes les occasions, et quand en plus la peur vous tenaille un peu, ce phénomène merveilleux vous fait aller plus vite. Le seul hic à toute cette histoire, c'est qu'ils n'étaient pas habitués au désert, or leurs poursuivants, oui. Ils s'en sortiraient bien avec un otage...Oui, c'était un sacré avantage, d'autant qu'il courait avec eux, ce débile. Il avait trop peur de mourir, sans doute. Le sable était vraiment désagréable pour courir. Elle avait l'impression que ses pieds s'enfonçaient de plus en plus à chaque foulée et s'alourdissaient au fur et à mesure. Elle allait avoir mal aux chevilles une fois qu'elle s'arrêterait.

La jeune femme jeta un regard en arrière et vit que deux des indigènes les suivaient en courant. *Et m*rde !* Il fallait qu'ils trouvent un moyen d'être hors de leur portée. Ce n'était qu'une question de temps, le soleil se couchait déjà et ses rayons étaient d'un rouge éblouissant, par moment d'un blanc si intense qu'on avait l'impression d'un mirage. Mais c'était toujours ça de gagné. Quand il ferait vraiment noir, il serait plus dur de les repérer. Mais combien de temps faudrait-il encore courir pour être tranquilles ? Elle allait attendre les indications du jeune homme qui semblait déjà plus avisé qu'elle. Si elle se fiait à son instinct, elle n'en aurait peut-être pour pas longtemps avant de se faire rattraper.