Il y avait bien longtemps que Serena n’avait remis les pieds dans sa demeure, cette maisonnée perdue au fond du Bois de l’Innocence qu’elle avait conservée avec soin lorsque la vieille herboriste qui l’avait recueillie s’était éteinte.
Et, par voie de conséquence, entre ses pérégrinations entre les trois mondes et ses obligations en tant que responsable des renseignements au sein des Gardiens, la poussière avait pris possession des lieux en son absence.
La Lucinienne avait pris son courage à deux mains, ouvert toutes les fenêtres et s’était plongée à corps perdu dans le ménage.
C’était certes un peu trivial pour une magicienne de son acabit mais, au moins, pendant ce temps, elle ne se perdait pas en réflexions inutiles sur les mystères de sa naissance et encore moins sur la lutte séculaire que se livraient Esprits Créateurs et Déchus.
Pour une fois, ce serait une journée paisible sur Lucina… enfin c’est ce qu’elle croyait !
Alors qu’elle époussetait son pas de porte, des éclats de voix retentirent non loin.
La blanche jeune fille fronça les sourcils et scruta la brume persistante qui entourait son domaine, sa fidèle Tsuki venue la rejoindre sur son épaule pour observer elle aussi les alentours de ses yeux d’or perçants.
Bien vite, des silhouettes se dessinèrent au travers de la brume… et une douzaine d’hommes apparut.
La gardienne les toisa avec méfiance, rares étaient ceux qui osaient braver les dangers du Bois de l’Innocence pour s’enfoncer aussi profondément dans ses entrailles.
Un large sourire s’afficha sur le visage de ce qui semblait être le leader de ce petit groupe, un grand brun musculeux, une lourde épée en travers de ses épaules, alors que son regard se posait sur la frêle maîtresse des lieux.
- Eh bien, matez-moi un peu ça !... Jamais j’aurais cru qu’en cherchant de la bouffe on pouvait trouver une bicoque dans un trou pareil ! Encore moins avec un joli p’tit lot pour nous accueillir !...
Le regard couleur rubis de Serena s’assombrit au fur et à mesure que le grand gaillard parlait.
Manifestement, c’était un brigand de la pire espèce, qui se croyait tout permis au sein de son domaine.
- Vous n’avez rien à faire chez moi ! Allez-vous en !...
Le large sourire du chef de la petite bande disparut brusquement tandis qu’un tic de vif mécontentement contractait ses traits burinés.
Sans attendre, il franchit la distance qui le séparait de la magicienne et la saisit vivement par le poignet, lui broyant presque.
- Tu ferais mieux de tenir ta langue, petite peste ! Autrement… je pourrais bien être tenté de t’en débarrasser !...
Il n’en fallut pas plus pour que Tsuki se hérisse de toutes ses plumes et se jette, toutes serres dehors, au visage du rustre.
Celui-ci poussa un cri de surprise et de frustration avant de lâcher Serena et de reculer sous les assauts de la chouette harfang.
Mais, quand il fit mine de se servir de son immense épée contre l’animal, celle-ci ne demanda pas son reste.
Néanmoins, cela avait suffi à sa petite maîtresse pour se saisir de son Naginata et se mettre en garde.
Le chef de la petite bande essuya le sang qui jaillissait de la joue que la petite chouette venait de lacérer, son regard étincelant de rage.
- Espèce de petite garce ! Chopez-la !
En voyant quatre hommes la charger de front, Serena dégaina la dague à sa ceinture et dès qu’elle fendit l’air, celui-ci sembla se densifier et une forte bourrasque rejeta ses assaillants en arrière avec violence.
Presque aussitôt, la gardienne déploya ses ailes blanches et prit son essor vers les cîmes des arbres du Bois de l’Innocence, suivie de sa fidèle compagne.
Les exclamations de surprise ou de stupeur de la petite bande de brigands lui parvinrent mais elle n’en avait cure.
Son regard sembla devenir aussi blanc que sa longue chevelure immaculée et un bruit de cataracte retentit en dessous d’elle, en provenance du puits.
Sans crier gare, un gigantesque dragon d’eau vive se dressa au-delà du mur de pierre et, d’un geste de la jeune femme, il se jeta sur les bandits qui avaient été trop stupides pour l’attaquer.
Ils étaient percutés de plein fouet par l’eau animée de vie qui les projetait au loin dans le Bois de l’Innocence, dans un bruit écoeurant d’os brisés.
Mais apparemment, sa démonstration de puissance n’était pas suffisante car une flèche passa à un cheveu de la blanche jeune fille et elle dût en esquiver une autre d’un coup d’ailes.
Tandis que son dragon d’eau faisait le ménage, elle rengaina sa dague doté du pouvoir de vent pour tendre la main en direction des bandits armés d’arcs et d’arbalètes.
Le gantelet de magnétisme à son poignet s’illumina et la foudre s’abattit sur les armes des rustres, leur brûlant les mains sans pitié.
Avant qu’ils aient pu se reprendre, le dragon d’eau les avala eux aussi et il se projeta d’un mouvement de son formidable corps dans la Rivière de Cristal non loin, assommant la demie-douzaine de brigands qu’il contenait et les laissant dériver.
Seuls restaient deux des membres de la petite bande qui n’avaient pas fait un geste, apparemment pétrifiés de stupeur et incapables d’un geste.
La gardienne reprit le chemin du sol et tendit la main vers eux afin de les expulser de son domaine à leur tour.
L’un des deux hommes sembla reprendre brusquement ses esprits et tendit les mains devant lui, comme pour se protéger vainement d’une attaque.
- Hé ! Non ! Attendez !
Il fouilla avec fébrilité dans son gilet et son comparse sembla faire de même avant de tendre un objet rutilant devant eux.
Avec stupeur, Serena reconnut le blason de la famille royale sur la plaque dorée qu’ils tendaient et elle retrouva peu à peu ses pupilles écarlates tandis que le dragon d’eau venait de disparaître dans le puits qui lui avait donné naissance.
- Vous servez la famille royale de Lucina ? Pourquoi traîniez-vous avec ces brigands ?...
Un sourire désabusé s’afficha sur le plus âgé des deux jeunes hommes, un jeune homme blond au visage avenant et aux yeux clairs, tandis que l’autre, un rouquin aux yeux verts, restait de marbre.
- C’est une longue histoire. Je suis Astérius, Capitaine au sein de l’Armée de Lucina et voici mon aide de camp Serlane. Pouvons-nous nous asseoir pour en discuter ?...
Rapidement, le trio fut attablé dans la petite maison de Serena autour d’une infusion préparée par les soins de celle-ci.
Sa fidèle Tsuki sur l’épaule, la gardienne écoutait attentivement ce que lui racontait le Capitaine Astérius.
- Nous avons été envoyés ici sur ordre du Roi car de nombreux villages ont subi des pillages en règle ces derniers temps. Nos investigations nous ont permis d’apprendre que c’était la même troupe de bandits qui les écumaient un par un. Nous nous sommes infiltrés mon aide de camp et moi dans leurs rangs afin de découvrir et de prévenir leur prochaine attaque.
La gardienne jeta un regard un rien désabusé à Astérius et à son aide de camp qui restait le nez plongé dans sa tasse.
- Je vois… Mais pourquoi me raconter tout cela ?
Le jeune Capitaine déposa sa tasse sur la table, croisa les mains devant lui et adressa un sourire désarmant à la blanche jeune fille face à lui.
- Eh bien, l’attaque de ces brigands aura lieu demain à l’aube et une sorcière de votre acabit serait d’une grande aide pour préserver le village d’Helios et ses habitants !
Serena qui reprenait une gorgée de sa tisane releva brusquement des yeux incrédules vers Astérius.
Ses mains se mirent à trembler de manière incontrôlable et la tasse lui échappa avant de se briser en mille morceaux sur le sol.
Le jeune Capitaine écarquilla ses yeux clairs mais c’est son aide de camp qui réagit le premier en relevant son nez de sa tasse.
- Quelque chose ne va pas Mademoiselle ?...
La gardienne restait totalement abasourdie par la nouvelle et son regard écarlate tremblait d’incrédulité.
Un seul mot parvint à franchir ses lèvres pâles.
- Hélios…
Ce nom, elle le connaissait et pour cause !
Ce village, c’était son village natal ! Le même qu’elle avait fui des décennies auparavant pour échapper à la dévotion de ses habitants !
Pourquoi les Esprits semblaient-ils prendre un malin plaisir à raviver chacun de ses souvenirs les plus douloureux ?
Bien loin de comprendre ce qui se tramait dans la tête de la magicienne, Astérius reprit la parole, croisant les bras sur sa poitrine.
- Oui, Hélios ! Vu que tous les autres villages pillés par les brigands ont été mis à feu et à sang, je ne donne pas cher de celui-là si nous ne parvenons pas à les arrêter cette fois !
Serena avait la sensation que son esprit tourbillonnait à toute vitesse.
Elle ne voulait pas retourner dans ce village, elle avait eu le malheur de le traverser juste avant de devenir gardienne et la dévotion des habitants n’avait pas évoluée d’un iota, la maison de son enfance élevée en temple à son culte.
Et pourtant… jamais elle n’accepterait de le voir brûler, c’était là que sa mère l’avait élevée, là que résidaient tous les souvenirs heureux de son enfance… et là aussi qu’elle avait la seule trace de passage de son père.
La blanche jeune fille refusait de perdre tout cela, elle releva ses pupilles écarlates pleines de détermination et se redressa d’un bond face au jeune Capitaine.
- Je viens !
Astérius écarquilla ses yeux clairs en voyant ce revirement soudain chez la jeune magicienne mais il ne pouvait qu’en être satisfait.
Il se leva et tendit la main à la gardienne en signe d’accord.
- Dans ce cas, nous ferons équipe contre ces bandits. Comment dois-je vous appeler ?
L’herboriste avait pris soin de ne pas se présenter vu qu’elle ne savait pas si elle pouvait faire confiance à ces gens mais elle finit par saisir la main que le jeune homme lui tendait.
- Serena…
Le chemin vers Hélios fut pénible à la gardienne, pas par la difficulté de la route car les deux soldats connaissaient le chemin, mais parce que chaque pas la rapprochait de ses souvenirs douloureux.
Elle avait pris soin de dissimuler ses ailes sous son manteau et avait rabattu sa capuche sur son visage.
Tout ce qu’elle espérait alors que l’orée du Bois de l’Innocence et les premiers toits du village d’Hélios apparaissaient, c’était que personne ne la reconnaisse comme leur divinité tutélaire.
La gardienne ne souffla que lorsqu’elle vit qu’un petit groupe de soldats avaient dressé leurs quartiers autour du village, leurs tentes de fortune savamment dissimulées par des branches au cœur de la végétation qui croissait autour d’Hélios.
Et puis la nuit tombait sur la forêt, elle serait moins susceptible de croiser les villageois.
Astérius la conduisit à une tente et il se retira avant de se pencher par l’ouverture.
- Vous pouvez vous reposer ici pour la nuit. Nous viendrons vous réveiller un peu avant l’aube.
Serena hocha doucement la tête et le jeune homme disparut, laissant retomber la tenture.
Elle s’assit et déposa sa fidèle petite chouette sur le sol de leur abri de fortune pour la nuit.
- Préparons-nous pour la bataille et essayons de nous reposer un peu Tsuki !
L’animal hocha vivement la bataille et avala goulûment les lamelles de viande séchée que lui donna sa petite maîtresse en guise de repas.
La Lucinienne, elle, n’avait guère d’appétit : se savoir aussi près de son village natal, au risque d’être reconnue par les habitants et – qui aurait pu le dire ? – d’être à nouveau séquestrée par eux, ne lui permettait pas d’être sereine.
Lentement, elle se mit à aiguiser la lame de son Naginata quand soudain la tenture s’ouvrit à la volée.
- Un repas pour vous requinquer, soldat !
La voix appartenait à une villageoise aux formes généreuses, un bol plein d’un ragoût fumant en mains, et qui s’invitait déjà dans la tente.
Serena eut tout juste le temps de rejeter son capuchon sur son visage pour dissimuler ses traits.
Les yeux sombres de la matrone commencèrent par s’écarquiller en contemplant la forme féminine dans sa tenue blanche qui était assise face à elle puis un large sourire envahit son visage.
- Mais c’est une petite jeune fille ! Que faites-vous là mon enfant ? Vous êtes guérisseuse ?
La Lucinienne comprit soudain qu’elle la prenait pour une sorte d’infirmière pour les soldats qui s’apprêtaient à se battre pour le village d’Hélios.
- Ah… Oui… En quelque sorte…
La femme s’approcha d’elle et lui mit presque de force le bol entre les mains.
- Voilà qui est bien. Prenez des forces, ma p’tite, vous en aurez besoin !...
Serena ne trouva rien à dire à la villageoise qui se montrait si prévenante envers elle.
Celle-ci s’approcha de la « porte » de la tente et jeta un œil au dehors, les soldats se restauraient aussi, chouchoutés par les villageois qu’ils venaient défendre.
- Vous parlez d’une histoire ! C’est bien la première fois qu’on doit faire appel à l’armée pour nous défendre !... M’enfin, j’suis sûre que l’esprit du village nous défendra !...
La gardienne sursauta presque en entendant ça.
Tous ces villageois, tous ces gens qui n’étaient autres que les descendants de ses voisins, de ses amis de l’époque, plaçaient toute leur confiance en elle, persuadés qu’elle n’était autre que l’incarnation d’un esprit à l’égal des Créateurs .
Pourtant, il n’en était rien, elle n’était qu’une Sélène, elle le savait désormais, mais jamais un Elfe de la Lune n’aurait dû être érigée en divinité par ces gens.
Mais comment leur expliquer tout cela sans bouleverser complètement leurs croyances ?
La blanche jeune fille n’arrivait pas à s’y résoudre mais la matrone ne lui laissa même pas cette chance.
Elle se retourna vers Serena et lui adressa un sourire désarmant.
- Passez une bonne nuit, jeune fille ! Que l’Esprit d’Hélios vous protège vous aussi !...
La magicienne ne trouva rien de pertinant à répondre et elle contempla le bol de ragoût que la villageoise lui avait glissé dans les mains.
Avec douceur, elle en porta la cuillérée à sa bouche et mâcha posément avant d’écarquiller les yeux.
Elle reconnaissait le goût de ce plat, même s’il y avait des décennies qu’elle ne l’avait mangé.
Sa mère faisait exactement le même plat, aussi loin qu’elle s’en souvienne, et celui-ci avait exactement le même goût.
Une larme, unique, coula sur son visage : oui, même si elle rejetait les gens qui l’avaient élevée au rang d’Esprit, ce n’en était pas moins son village natal et elle ne voulait pas le voir périr dans les flammes avec les souvenirs heureux qui lui en restaient .
La nuit passa trop vite au goût de Serena : elle n’arrivait pas à fermer l’œil, l’esprit tourmenté par ses souvenirs et par le danger qui pesait sur Hélios.
L’aube n’avait pas encore point au-dessus de l’horizon de Lucina que la gardienne était déjà hors de sa tente.
Le Bois de l’Innocence semblait si calme, elle avait du mal à croire qu’une bataille allait se dérouler ici.
Mais quelque chose allait la faire changer brusquement d’avis, un sifflement strident dans le ciel.
Ses pupilles écarlates s’écarquillèrent d’horreur en voyant une énorme boule de feu incandescente, telle un soleil miniature, fendre les airs en direction du village.
- NON !!!
Ce ne fut qu’un cri strident qui jaillit de la gorge de Serena, elle eut tout juste le temps de faire jaillir l’eau de la Rivière de Cristal qui traversait le village et intercepter l’attaque dans un déferlement de vapeur qui fit s’abattre un brouillard épais sur Hélios.
Les soldats sortaient à peine des tentes que déjà un sifflement strident horriblement similaire retentissait de l’autre coté du village.
La gardienne fit volte-face et vit avec horreur jaillir un autre mini-soleil au-dessus de la brume.
Une colère noire et une intense détermination étincelaient dans son regard non moins incandescent que l’attaque de feu qui plongeait droit vers le village.
- Je ne vous laisserai pas brûler Hélios !...
Un geyser d’eau fila droit vers l’orbe brûlant et l’intercepta à son tour, libérant une nouvelle fois une intense vapeur d’eau dans les ruelles de son village natal.
Elle entendit la voix d’Astérius tonner dans ce brouillard artificiel.
- Ils ont encerclé le village ! Il faut briser leur formation au plus vite !
Briser la formation des brigands, elle ne demandait pas mieux mais comment faire ?...
En plus, il y avait manifestement dans leurs rangs deux puissants magiciens maîtrisant à la perfection les sortilèges de feu .
Elle ne tiendrait pas longtemps si elle devait lutter contre deux magiciens à la fois puis brusquement quelque chose lui revint en mémoire.
Serena se mit à fouiller fébrilement dans sa sacoche et finit par en retirer un étrange objet, un sceptre où deux petits dragons ailés étaient entrelacés.
La gardienne ne savait quel pouvoir recelait cet artefact mais le Tavernier auprès de qui elle l’avait acquis lui avait assuré qu’il lui serait utile lors d’un combat.
A peine l’avait-elle en mains qu’elle vit avec stupeur que les deux dragons sculptés s’illuminèrent.
La lueur devint même si vive que la Lucinienne dût fermer les yeux pour ne pas être complètement éblouie.
Ce n’est que de longs instants plus tard qu’elle osa rouvrir un œil mais le deuxième suivit bien vite et elle écarquilla ses pupilles écarlates.
Les deux dragons ailés… avaient pris vie et voletaient devant elle.
Avant qu’elle puisse revenir de sa surprise, deux voix flûtées retentirent dans son esprit.
« Nous sommes à votre service Maîtresse ! »
« Quels sont vos ordres Maîtresse ?... »
Avant même que la blanche jeune fille puisse répondre, un nouveau sifflement strident retentit dans le ciel et une boule de feu parut au-dessus de Serena, prête à la dévorer de ses flammes.
Mais les deux créatures furent plus vives que la gardienne, elles ouvrirent la gueule et projetèrent un jet d’eau tel qu’ils interceptèrent à leur tour cet orbe incandescent.
La magicienne considéra avec incrédulité les deux petits dragons ailés, ils semblaient dotés d’un pouvoir sur l’élément aquatique à l’égal du sien.
C’était une chance incroyable, avec eux, elle avait la possibilité de préserver son village natal des flammes !
- Ne laissez aucune de ces boules de feu atteindre le village ! Et s’il y a le moindre début d’incendie, cirsconcrivez-le au plus vite !...
Les deux petites créatures hochèrent la tête et, avant de disparaître dans le brouillard artificiel provoqué par la rencontre entre eau et feu, leurs voix résonnèrent comme une seule dans l’esprit de leur petite maîtresse.
« A vos ordres ! »
Serena n’avait plus à s’inquiéter pour les orbes de feu pour l’instant, elle pouvait venir en aide aux soldats qui se battaient de toutes leurs forces contre les bandits.
Mais ce brouillard artificiel qu’elle avait généré sans le vouloir sur Hélios était à la fois un avantage et un inconvénient.
A peine avait-elle pris l’initiative de rejoindre Astérius et ses hommes qu’un des brigands fendit le brouillard, épée au clair pour fondre sur elle.
Instinctivement, la gardienne tendit la main vers lui, le foudroyant sur place grâce au pouvoir de ces gantelets de magnétisme.
Un piaillement vigoureux de sa fidèle compagne Tsuki – qui s’était cachée dès que les hostilités avaient commencé, une fois n’était pas coutume – fit se retourner sa petite maîtresse juste à temps pour esquiver un trait d’arbalète qui lui arracha néanmoins une mèche de ses cheveux immaculés.
Elle matérialisa une dague de glace, comme elle avait appris à le faire lors de son apprentissage de son don sur l’eau, et l’envoya se ficher dans le bras de l’arbalestrier qui lâcha son arme.
La Sélène en profita pour le désarmer d’un coup de pied et lui asséner un coup du long manche de son Naginata pour l’assommer une bonne fois pour toutes.
Mais parvenir jusqu’aux abords du village pour aller à la rencontre des bandits allait s’avérer compliqué vu qu’ils profitaient du brouillard artificiel pour s’infiltrer dans les ruelles d’Hélios.
Elle blessa jusqu’au sang un épéiste en le transperçant de sa lame de part et d’autre du torse, elle en foudroya deux autres qui avaient essayé de la prendre en sandwichs avec leurs lances et expédia en l’air un quatrième qui avait menacé de lui fendre le crâne avec une hache en faisant jaillir un geyser sous ses pieds.
La gardienne n’attendit pas pour contempler sa chute et poursuivit sa route en direction de l’entrée du village et de l’orée du Bois de l’Innocence.
Elle entendait maintenant un fracas de métal qui signifiait que des brigands étaient au corps à corps avec les soldats dépêchés ici par le Roi de Lucina.
Un cri de rage retentit derrière elle et elle se retourna juste à temps pour parer le coup d’une grande épée à deux mains d’un type musculeux qui faisait au moins deux têtes de plus qu’elle.
Pour ce qui était de la force physique, Serena ne faisait pas le poids et elle le savait.
Elle se dégagea de cette étreinte fatale d’un coup d’ailes et dégaina la dague de vent à sa ceinture.
La bourrasque projeta le grand type en arrière et repoussa un peu la brume qui l’entourait.
La jeune femme eut une idée et elle fendit l’air avec sa dague enchantée.
Aussitôt une vive bourrasque parcourut le champ de bataille, déséquilibrant un peu les forces en présence mais il fit brusquement bien plus clair pour Astérius et ses soldats bien entraînés.
Comparés à eux, les brigands ne faisaient pas le poids en terme de technique guerrière.
Bien vite, les guerriers de Lucina reprirent l’ascendant sur les malfrats, les obligeant à reculer.
Serena n’était pas en reste : elle aidait les soldats dans leur tâche.
Rien de plus facile pour elle que de déséquilibrer ou de repousser un de ces malfaisants avec ces dons sur l’eau et ses artefacts.
Là, elle foudroyait un bandit prêt à trucider un jeune soldat, ici elle en expédiait un autre dans la Rivière d’une bourrasque de vent ou encore elle manipulait l’onde pour ligoter un trio de brigands et les attirer dans le cours d’eau assez longtemps pour les mettre hors combat.
Un brusque ronflement et une vive chaleur l’obligèrent à se retourner tandis qu’une voix retentissait dans son esprit.
« Maîtresse ! »
La Rivière de Cristal se dressa devant elle tel un rempart aquatique sans que la jeune fille n’ait rien fait et un flot de flammes prêt à la carboniser s’y écrasa dans un déluge de vapeur.
Les deux petits dragons ailés venaient ni plus ni moins de lui sauver la vie !
- Merci !...
Le soleil qui se levait enfin au-dessus de l’épais Bois de l’Innocence baignait le village d’Hélios et de ses alentours d’une lumière aussi vive que bienfaisante.
La chaleur qu’il répandit aussi sur les terres réchauffa le brouillard artificiel qui s’était répandu autour d’eux et Serena devina deux silhouettes non loin d’elle.
Puis, à mesure que le soleil s’élevait dans le ciel, les traits burinés de deux brigands plus couturés et plus richement vêtus que les membres de la bande, sans doute leurs chefs, se dessinèrent tandis que la brume se délitait.
Derrière eux s’étaient réfugiés une quinzaine de bandits blessés plus ou moins gravement.
- Sale petite garce, cracha l’un des deux leaders, c’est toi la sorcière qui manipule l’eau !
Le mur aquatique qu’avait élévé les dragons ailés devant Serena retomba dans le lit de la Rivière de Cristal.
Un rictus meurtrier se dessina sur le visage de l’autre chef et il frappa ses poings l’un contre l’autre, les nimbant de flammes aussitôt.
- On va cramer ce village et toi avec !...
La gardienne échangea un regard avec ses deux petits dragons ailés et un sourire amusé se dessina sur son visage.
- Ca, ça m’étonnerait !...
Son regard s’illumina d’une vive lueur blanche, comme à chaque fois qu’elle déchaînait son pouvoir sur l’élément aquatique.
Les deux petites créatures semblèrent réagir au déferlement de puissance de leur toute nouvelle maîtresse et brusquement la masse d’ eau de la Rivière de Cristal se dressa toute entière, tel un tsunami prêts à déferler sur les brigands en contrebas.
Les plus intelligents ne demandèrent pas leurs restes et prirent leurs jambes à leur cou pour échapper à la déferlante mais la plupart, ou trop blessés ou trop stupéfaits devant cette manifestation de pouvoirs, restaient stupidement sur place.
Dans un bruit de cataracte, l’immense masse d’eau sembla se muer en vague d’une violence extrême et elle déferla sur les bandits qui avaient osé menacer le village natal de Serena.
L’eau en furie avala sans pitié les malfrats et elle partit à toute vitesse dans le Bois de l’Innocence tel une lame de fond, brisant les arbres les plus jeunes sur sa course et ébranlant même les plus solides sur leurs racines.
Les soldats de Lucina restèrent de longs instants stupéfaits devant ce spectacle stupéfiant mais bien vite une clameur de victoire retentit dans leurs rangs et une liesse générale suivit bientôt dans les ruelles d’Hélios à mesure que la nouvelle de la défaite des brigands se répandait.
Après tout, s’ils ne se noyaient pas sous l’effet de cette déferlante, nul doute que la plupart des bandits seraient sérieusement blessés, ils ne reviendraient pas s’attaquer à un village de sitôt.
La gardienne sourit doucement tandis que les deux petits dragons ailés regagnaient le sceptre qui les avaient libérés et se figeaient à nouveau tel deux statues.
- Merci !...
Sans ces deux nouveaux petits compagnons, jamais la blanche Sélène n’aurait réussi à venir en aide à son village natal, elle en avait bien conscience.
Un piaillement aigü retentit à son oreille et sa fidèle Tsuki vint la rejoindre pour se poser sur son épaule, maintenant que tout danger était écarté.
Un nouveau sourire éclaira le visage de sa petite maîtresse et elle caressa doucement le doux poitrail de plumes blanches de la petite chouette harfang.
Pour sauver Hélios, elle avait mis de coté ses mauvais souvenirs de cet endroit et elle se sentait mieux désormais.
Maintenant, elle pourrait aller de l’avant !...
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