Derrière les barreaux [libre]

Le souffle froid du vent passait dans toute la ville, du haut des toits jusque dans l'armure de Gordon, la faisant siffler. L'homme à l'intérieur de sa cage grelottait. Ses habits n'étaient pas suffisamment chauds. Il était seul dans la rue, les bras croisés sur son torse. Chacun de ses pas résonnait sur les pavés du chemin. De sombres nuages couvraient la ville et empêchait au soleil de réchauffer les pauvres habitants de Equillios. Les quelques personnes qui osaient sortir étaient armés de la tête aux pieds d'habits chauds, et même avec tout leurs équipement, certains se plaignaient encore.

Les rues étaient quasiment dépourvues de pauvres et de mendiants. Heureusement, les quelques clochards avaient, pour la plupart, réussi à se faire un petit feu pour se réchauffer. Gordon devait trouver un endroit où passer la nuit sans mourir de froid... Sauf qu'il avait déjà donné tout son argent à un pauvre. Surement allait-il faire comme ceux-ci en se trouvant un petit coin chaud. Et pour manger : un bout de pain lui suffirait amplement.

L'homme en armure déambulait à travers la ville, à la recherche de feu. Il regarda la faible lueur du soleil qui filtrait à travers les nuages et en déduit qu'il ne lui restait plus qu'une heure avant la tombée de la nuit. Il faisait de plus en plus froid.

*On dirait que ça va être la fin des haricots, pour moi.* Se dit-il.

Et comme si cela ne suffisait pas, la neige ne tarda pas à tomber. Au début, de petits pétales blancs s'écrasaient sur l'acier forgé de l'armure, mais très vite, le flux de neige augmenta et augmenta, jusqu'à former un épais rideau blanc.

Lorsque la lueur orangée du soleil disparut à l'horizon, Gordon s'arrêta. S'il ne trouvait pas un endroit au chaud maintenant, il mourrait. Il tourna sur lui-même deux fois, sans résultat. Tout ce qu'il ne voyait, c'était des murs blancs, des cheminées éteintes, de grosses portes en bois fermées à clef et un soupirail. Son attention se reporta sur ce dernier. En regardant de plus près, il remarqua que la neige n'entourait pas le soupirail. Il s'en approcha donc et eut une agréable surprise. Un vent chaud s'en échappait. Il s'assit donc dessus, avant de remarquer la mauvaise odeur de métal en fusion. Cette odeur et la lumière rouge qui s'échappait de la grille lui permit de conclure qu'il était assit sur une grille qui menait aux forges souterraines d'Equillios.

Gordon se releva et agrippa deux barreaux du soupirail avec ses paluches. Il tira de toutes ses forces, et dans un râle ultime, les jointures de la grille cédèrent. Il Posa doucement la grille tordue sur le trottoir et sauta dans le trou, en espérant ne pas tomber directement dans un fourneau des forges. Il dût constater qu'il avait esquivé une mort douloureuse dans la lave, à quelques centimètres près.

Aussitôt remis sur pied, l'armure jeta des coups d'oeil rapides de tous les côtés avant de se rappeler que les forges étaient entièrement automatisées.

-Ah ce qu'il fait bon, ici... Se dit-il.

Il faisait, certes, chaud, mais légèrement trop chaud. L'humain retira donc son heaume, laissant apparaitre son horrible visage déformé, et s'essuya le front. Il s'assit dans un coin de la pièce où il faisait légèrement plus frais et sortit sa demi-baguette restante de son sac. Son pain était rassis, mais Gordon n'allait pas faire des manières. Il entama la baguette, et en un clin d'oeil, il ne lui restait plus que le quignon.

-Déjà ?! Tant pis, dit-il en haussant les épaules.

Il allait engouffrer son "dessert" alors qu'il crut entendre un bruit. Il s'arrêta regarda autour de lui et pensa qu'il avait trop d'imagination. Il essaya donc à nouveau de manger son pain, lorsqu'un second bruit, cette fois-ci plus distinct se fit entendre. Cela ressemblait plus à un râle qu'à autre chose. Là, l'harmonien en était sur : il n'était pas seul. Il se leva et demanda timidement en remettant son casque :

-Qu... Qui est là ? Je... Je sais qu'il y a quelqu'un !

Il n'eut aucune réponse. Il s'avança dans la pièce, regarda devant lui, derrière, à gauche et à dr...

-Aaaaaaaaah !!!

Son cri de surprise fut dissimulé par le bruit des soufflets géant. Quelqu'un, ou quelque chose, se tenait debout, au fond de la pièce, derrière des barreaux. C'était un "être humain" qui portait des vêtements sales, sans pour autant sembler amaigri.

-Qui es-tu ? Que fais-tu ici ? Pourquoi es-tu enfermé ?

Mais Gordon n'eut pas le temps d'entendre une réponse, car il entendit des bruis de pas dans les escaliers. Il jeta son quignon et se cacha derrière une caisse d'épées, en espérant ne pas se faire repérer...

Si Tanya avait plus ou moins prévu un plan, tout ne s'était pas exactement passé comme elle le pensait. Des informations écrites, voilà ce qu'elle était venu chercher dans l'immense réseau souterrain de forges qui parcourait les sous sols de la ville d'Equillios. Ce qu'était exactement l'objet de sa convoitise, elle seule le savait mais il l'intéressait suffisamment pour qu'elle mette sa vie en jeu afin de les trouver. Au début, Miss Jsaad avait pensée entrer par effraction, avant de chercher un plan plus subtile. Toutes les autres idées qui lui vinrent à l'esprit auraient mises trop de temps à être mise en œuvre, aussi était elle au final revenu vers son plan d'origine. Entrant par quelques portes dérobées dont on lui avait apprit l'existence, elle s'était perdue dans le réseau de forges pour trouver la salle qui abritait tout ce qui était précieux. Bien entendu, jamais quelques gardes n'auraient pu l'arrêter, cependant, il y avait eu un sacré petit imprévu...

Toutes les forges étaient sous la direction d'un clan étrange et peu enclin à se laisser voler. Quand sa présence fini par être découverte, une petites armée se mit à fouiller les couloirs à sa recherche. Tanya n'eut aucun mal à mettre hors combat les simples humains, jusqu'à ce qu'un des dirigeant décide de venir s'occuper d'elle en personne. Consciente qu'elle risquait de ne pas s'en sortir ou de perdre toute chance de récupérer ce qu'elle était venue chercher, la pirate avait préférée se rendre. Désireux de savoir ce qu'elle venait faire ici et pensant surement qu'elle venait de la part d'une quelconque concurrence pour voler des plans ou des matériaux, ils la mirent en cage pour l'interroger plus tard.

Deux jours après, Tanya se demandait si on ne l'avait pas oubliée ou du moins, si on comptait vraiment la questionner... Elle n'avait rien eu à manger depuis 24 heures, aussi avait elle tentée de sortir. Ses armes étaient posée juste devant sa cage, elle n'avait même pas à chercher! Mais malheureusement pour elle, les barreaux étaient enchantés et aucune magie ne pouvait être utilisée à l'intérieur, la bloquant pour de bon ici. Si elle détestait bien une chose, c'était de se retrouver en position de faiblesse! Son manque de patience risquait de lui couter chère. Même si on venait la chercher, il ne serait pas aisé pour ses hommes de forcer les défenses des souterrains...

Râlant contre elle même, Miss Jsaad tendit l'oreille quand elle entendit un bruit d'armure. Sortant de derrière un soufflet géant, un homme venait de demander si il y avait quelqu'un. Bien sûr, elle n'avait pas répondu, celui ci chercha un peu, jusqu'à sembler surpris de la voir dans son coin. Certes, ses vêtements étaient un peu déchirés et elle n'avait pas fière allure, mais de la à avoir peur.

-Qui es-tu ? Que fais-tu ici ? Pourquoi es-tu enfermé ?

La chance tournait peut être! Celui ci ne semblait pas être avec ceux qui l'avait enfermés, elle s'apprêtait à répondre, préparant un beau mensonge pour le convaincre de l'aider à sortir, quand un bruit résonna. L'homme couru se cacher et elle pesta doucement, quel manque de chance! Elle avait pourtant enfin eu son occasion de s'en sortir vite. Tanya espérait juste que ce n'était pas encore l'heure de interrogatoire et qu'il s'agissait d'un simple crétin venu lui apporter à manger ou voir si elle était sage.

Fulenn avançait d’un pas décidé à travers les dédales de couloirs des forges. Ses pas résonnaient au milieu du clapotis des quelques gouttes d’humidité qui heurtaient le sol à intervalle régulier. Sa respiration saccadée était elle aussi amplifiée par le silence environnant. Ces sous-terrains pouvaient s’avérer être un vrai labyrinthe pour quiconque ne les connaissait pas. La brune, quant à elle, aurait pu parcourir cet endroit lugubre les yeux fermés. Elle avait l’habitude de travailler ici pour les propriétaires, et était aujourd’hui chargée d’une mission qui semblait des plus faciles.

-On a pensé à toi Fulenn, parce-que cette fille te ressemble. Autrement dit, ça peut être intéressant pour toi et pour nous, avait dit le chef des Oaken, le clan qui régissait les fondations de la ville, inconnues de la population.

La mercenaire s’était contentée de hocher la tête et s’était dirigée vers les cellules. Un escalier se profila bientôt devant elle, inondé par la lumière de l'extérieur. La grille qui donnait vers la surface laissait le vent s’engouffrer, bien que la température reste agréable. L’assassin se remémora son plan, et se demanda si c’était toujours une bonne idée… Peut-être aurait-elle du suivre son propre instinct. Après tout, si la captive lui ressemblait, pourquoi ne pas la relâcher ?

*Non, si cette personne a vraiment le même caractère que moi, elle n’hésiterait pas une seconde à se débarrasser de moi..*

Fulenn se râcla la gorge et parcourut la pièce du regard. Ses yeux se posèrent sur la prisonnière qu’on avait jusqu’alors négligé. La fille était plutôt jeune, bien plus que ce qu’avait laissé sous-entendre son employeur, et avait un aspect plutôt repoussant. Ses cheveux étaient en bataille et son visage maculé de noir, sûrement à cause de la terre battue qui constituait le sol de cette zone des sous-terrains.
L’umbrienne secoua la tête de gauche à droite, négativement, en levant les yeux au ciel. Elle émit un claquement de langue qui trahissait un certain agacement, avant d’ajouter d’une voix nonchalante :

-Mais qu’est-ce qu’ils ont fait de toi… Un si joli minois, quel gâchis… Fulenn posa ses mains sur ses hanches et observa à nouveau son interlocutrice, de haut en bas cette fois. Je ne veux pas savoir ce que tu as fait pour qu’ils te mettent ici. Nous devons nous dépêcher et partir d’ici… Viens, ne me demande pas qui je suis et pourquoi je fais ça, nous aurons tout le temps de discuter plus tard.

La brune se remémora les indications du clan avant de faire toute autre chose. Pour activer le mécanisme de la porte, il fallait appuyer sur une dalle quelques pas derrière avaient-ils dit. Fulenn prit tout d’abord soin de s’emparer des armes de la captive avant de s’exécuter, faisant ainsi tomber les barrières d'arcanes qui empêchaient la jeune fille de mener toute action magique.

Mais même si Fulenn agissait de manière altruiste aujourd’hui, elle n’était par pour autant naïve. Quelqu’un qui avait été maintenu prisonnier contre son gré pendant deux jours n’était pas près à suivre le premier venu. C’est pourquoi la jeune femme devait la mettre en confiance, pour l’empêcher de manifester une quelconque résistance.
La télékinésiste sonda alors l’esprit de celle dont elle était sensée se charger, et y trouva un épisode marquant de la vie de la captive.

*Intéressant…*

Fulenn venait d’apercevoir la mort du père de la prisonnière. Si cette-dernière se montrait vilaine, la femme pourrait toujours la forcer à revivre ce moment désagréable. Elle s’enfonça à nouveau dans ses pensées et y transmit directement un message télépathique :

*Écoute moi bien, j’ai été chargée de t’interroger. Mais je ne pense pas que tu aies mérité cet enfermement, alors je vais t’aider, d’autant plus que tu peux servir mes intérêts. Montre toi coopérative, sinon je te descend. J’espère avoir été claire.*

La jeune femme lui tendit un morceau de pain frais avec un demi-sourire avant d’ajouter d’une voix avenante :

-On peut y aller ? Tu as une liberté à conquérir tout de même.

HRP:

Gordon avait plongé derrière les caisses de lames en tous genres. Il avait même réussi à ne pas faire de bruit en se cachant et n'avait fait tomber aucune arme. Il se demandait vraiment ce que faisait cette pirate dans une cage. Malgré la saleté dans sa cellule et la couche de poussière qui recouvrait son chapeau, Gordon avait tout de même réussi à reconnaitre là une pirate qui lui semblait quelque peu familière.

L'armure essaya, en vain, de reconnaitre la prisonnière alors qu'une autre personne entra dans la grande salle. "Ca" se dirigea vers la cage d'un pas léger et parla à la captive d'une voix envoûteuse de femme. Elle lui expliqua qu'elle serait bien mieux à l'extérieur. Surement attendait-elle un service de la part de sa prisonnière.

La ravisseuse retira les armes de sa captive et la menaça de mort si elle ne se montrait pas coopérative.

*Je le savais...*

Gordon regarda ensuite discrètement les deux personnages s'éloigner vers la sortie. Peut-être devait-il les suivre, s'il ne voulait pas se perdre. Une fois que les umbriennes furent sorties de la pièce, l'harmonien se leva et les suivi de loin. Cependant, la douce odeur de pain cuit atteint ses narines, et cette odeur, aussi délicieuse soit-elle, fit ronronner son estomac, quelque peu bruyamment. Le bruit n'échappa malheureusement pas à l'oreille de la ravisseuse qui tourna la tête pour voir la source de ce bruit. Heureusement, Gordon avait réussi à se cacher derrière un soufflet troué, qui lui envoya un mélange de charbon et d'air chaux à la figure, et qui ne manqua pas de le faire bruyamment tomber en arrière. Il se releva rapidement et regarda autour de lui, craignant à nouveau pour sa peau. Heureusement, lorsqu'il osa ressortir de sa cachette, il put voir que les deux jeunes femmes avaient disparues dans un couloir.

Il prit aussi ce chemin en faisant gaffe à ne pas se faire repérer. Il arriva dans une autre salle, nettement plus petite et remplie de tuyaux sifflants. S'offraient à lui trois nouveaux couloir. Il hésita, chercha par où avait bien pu partir sa "guide" mais ne trouva pas. Il prit alors, au hasard, celui de gauche, en espérant trouver une sortie ou un indice.

Il continua son chemin ainsi pendant plusieurs dizaines de minutes, traversant tous types de pièces. Il traversa même la salle principale, une sorte de QG, où il trouva ni forme de vie, ni un indice comme une carte, ou un message codé. Il traversa ainsi des centaines de salles avant d'arriver à un cul de sac. Une pièce vide. Il s'écroula et souffla.

-Je ne sortirai jamais d'ici vivant. Et j'ai faim...

Il sentit alors à nouveau cette odeur de pain qui avait failli le trahir. Il crut d'abord que son hallucination lui jouait des tours mais l'odeur persista. Il se retourna alors pour voir trois formes se découper à l'entrée de la pièce. C'était la ravisseuse, sa captive, mais surtout, le bout de pain restant dans la main de la pirate. Gordon se releva en hâte.

-...Euh... Salut ?

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