L'odyssée des mages [pv Flo'] [Terminé]

Flore contempla l’homme d’une quarantaine d’années qui se tenait devant elle et eut un regard noir à vous geler sur place. Le petit homme, comprenant qu’il risquait de ne pas survivre à ce fâcheux instant se ratatina sur place, cherchant visiblement à disparaître dans un trou de souris. Mais c’était peine perdue pour lui et il n’avait d’autre choix que de croiser le regard argenté et glacial de son interlocutrice. Comment notre chère Flore avait-elle réussie à se retrouver face à un inconnu qui lui restituait le contenu de son estomac sur elle ? Excellente question à laquelle il est nécessaire d’apporter une réponse exhaustive !

Le commencement de cette histoire burlesque –enfin, bien entendu, ça dépend pour qui – s’était déroulé dans une taverne de Tenamas, un de ces endroits mal famés dans lequel vous préférez éviter de venir si vous n’avez pas un peu d’acier pour vous tenir compagnie. Flore était donc venue dans cet endroit sordide qui semblait abriter tous les hommes vulgaires du coin – et ils savent rivaliser d’imagination pour les insultes ! Cachée par un long manteau elle s’était recluse dans un coin sombre de la pièce, écoutant les diverses conversations. Et il y avait certaines discussions intéressantes entre ces honnêtes gens ! Entre les divers exploits maléfiques, Flore avait entendu deux hommes qui parlaient d’une île. Oh ! Et pas n’importe quelle île…
Enfin, Flore ne faisait pas ce genre de sorties comme balades d’agréments. Elle devait absolument se rendre sur cette île pour quelque obscure raison. Notre jolie fleur avait donc trouvé un bateau pour la conduire à destination. D’ailleurs, on l’avait interrogé sur les raisons de sa venue lorsqu’elle avait payé son voyage. Flore, toujours d’humeur massacrante s’était borné à répondre : « Dans des circonstances que je tiendrais secrètes, une personne dont je tairais le nom m’a dit des choses que je ne peux pas révéler. » On se demande bien quel est l’abruti qui a gobé un mensonge pareil et qui l’a laissé embarquer… ? Parce que oui, après avoir éclaté de rire, l’homme l’avait laissé monter à bord et elle avait même eu une cabine plutôt jolie – probablement une des meilleures. Comme quoi, ça avait ses avantages d’être une femme ! Flore s’était ensuite empressée de monter à bord, trouver sa cabine et s’installer. Elle s’était même un peu reposée jusqu’à ce que l’envie de monter sur le pont la prenne. Certaines personnes semblaient malades : ce n’était pas son cas. Après tout, elle aimait –enfin vénérait carrément – l’eau et on se déplaçait sur l’eau… Nan ? Elle s’était accoudée au bastingage et contemplait tranquillement le soleil à l’horizon qui semblait s’assembler avec la mer. Les teintes rouges orangés que prenait le ciel paraient celui-ci de ses plus beaux atours. Autour d’elle, c’était le silence le plus complet, moment pieux face à temps de magie. Car quelle magie est-elle aussi belle que celle de la nature ? Les rayons dardèrent la chevelure blonde de l’humaine, la faisant briller. Puis, le soleil s’effaça progressivement. Le ciel devint plus bleu, un peu rose encore. Les conversations reprenaient. C’est à ce moment que survint l’incident évoqué un peu plus haut.
Un homme d’une quarantaine d’années s’était avancé en courant jusqu’à elle, mais manque de pot, il ne fut pas assez rapide et par un hasard malencontreux, il lui laissa le contenu de son déjeuner sur elle. Pas très sympa tout de même…
Le visage un peu coloré par la colère qu’elle retenait d’exploser, la jolie jeune femme s’était donc détournée, ignorant le pauvre malheureux qui se répandait en excuses auprès d’elle. Descendant par l’escalier, elle avait facilement retrouvée sa cabine et était entrée pour se changer. Finalement, après un tel incident, elle préférait rester dans sa cabine. Mais d’abord… se changer. C’est pas que c’était pas très propre… mais presque !

La jeune femme à la longue chevelure blonde n’était pourtant pas laide. Un visage doux et ovale qui se durcissait sous l’effet de la colère, des yeux argentés qui reflétaient le monde, et de long cheveux blonds, presque blancs qui lui descendaient jusqu’à la taille. Sans compter un corps qui affichait des courbes féminines plutôt attrayantes… Enfin, passons.
Elle ouvrit la porte de sa chambre et entra sans refermer à clé derrière elle. Puis, elle commença par détacher le fourreau de son épée et le poser contre le mur, en face d’elle. Tranquillement, elle retira par la suite son haut qui avait eu le malheur de tout prendre et elle le laissa tomber à terre. La jeune femme soupira légèrement, agacée par ce contretemps qui lui avait au passage coûté un peu de sa fierté. Elle aurait pu lui enfoncer son épée dans le corps… Mais c’était contraire à ses principes que de tuer des innocents… Et puis, il s’était excusé. Ouais, mais n’empêche…
Flore tendit une main vers la bassine d’eau qui était posé sur la table, ignorant le balancement berceur du bateau. Un filet d’eau se leva jusqu’à elle et notre jeune Flore se lava donc, retirant les vomissures qui par endroits persistaient. Elle se pencha alors et attrapa un nouveau haut, propre cette voix qu’elle passa rapidement. Tandis qu’elle achevait ce geste, la porte de sa cabine s’ouvrit. Rapide, elle se retourna, attrapant sur le même temps son épée qui était posée contre le mur. Dans l’encadrement de la porte se tenait une espèce de… enfin, une personne quoi ! Et surtout, détail important : un homme ! Décidément, c’était pas son jour. Flore haussa les sourcils face à l’elfe malade qui semblait tomber des nues devant elle. Dieu merci, quelques secondes plus tôt et il aurait eu le loisir de la contempler à moitié nue. Elle ne poussa pas de cri comme on aurait pu s’y attendre mais resta immobile, tenant toujours son épée. Elle était presque… menaçante. Enfin, elle eut un soupir d’exaspération et déclara de manière cynique :

« Vous vous êtes perdu monsieur ? »

Elle reposa son épée et prit une cape pour couvrir ses bras nus : il faisait frais avec la nuit tombée.

« A moins que vous ne soyiez venu exprès espionner mes actions...? »

Son sourire cynique s'agrandit encore. Elle n'aimait pas ce genre d'insolence.

« Vous savez sans doute, acheva-t-elle, qu’on n’entre pas dans la chambre d’une jeune fille, qui plus est lorsqu’elle est armée… »

Flore, ignorant son visiteur ramassa son haut tâché et le plongea dans la cuve d’eau.

Non mais ! Ça se permet de venir regarder dans votre chambre et même pas un mot d’excuse ?! Quelle grossièreté ! Flore ne prêtait déjà plus attention à son visiteur lorsque celui-ci lui sortit une phrase sur un ton cynique. La jeune femme s’arrêta dans son ouvrage et tourna la tête vers la porte qui était désormais close. Elle marmonna des insultes, imitant d’une voix peu flatteuse le ton de son visiteur. Son regard était toujours tourné vers cette porte, et une vague interrogative s’installa sur son visage. Ce type, cet elfe machin-chose qui avait eu le culot de rentrer dans sa chambre, il fallait bien lui reconnaître quelque chose. Notre aventurière était particulièrement observatrice et ne s’intéressait qu’aux gens dont le caractère la faisait tiquer. C’était exactement le cas ici. Aucun autre homme ne se serait permis de rentrer dans sa chambre. Aucun. Sans compter que si par hasard il avait ouvert la porte, n’importe quel homme de ce navire se serait répandu en excuse. Voilà pourquoi ce visiteur agaçant lui titillait l’esprit. Ses mains dans la bassine d’eau nettoyaient les dernières tâches. Une fois finie, elle l’accrocha à un fil pour qu’il sèche. Déterminée à méditer un peu sur cette journée spéciale, la jeune femme s’assit à même le sol, contre le mur à côté de son épée. Lentement, elle ferma ses paupières, cherchant à faire le vide dans son esprit. D’abord, trouver le calme et l’apaisement en surface. Ensuite, descendre en profondeur dans son esprit et l’apaiser aussi. Enfin, en dernier lieu seulement, elle toucherait sa dangereuse moitié qui résidait dans la prison spirituelle et tenterait d’allier son esprit au sien. Ce serait difficile et long, mais elle avait toute la patience nécessaire pour y arriver.
D’abord, la première partie de la méditation. Elle chassa de ses pensées le visage du voyeur et apaisa ses sens. Etrangement, elle entendait tout. Les gouttes d’eau qui s’écrasait contre le plancher de la cabine, le roulement incessant de la houle, les bruits de pas dans le couloir… Les bruits de pas. Oui… Ils étaient étranges. Trop étrange pour qu’elle ne s’y intéresse pas. Il y avait quelque chose de bizarre là-dedans. Ce n’était pas ceux des autres passagers normaux. Ils étaient plus bruyants, plus affairés et pas spécialement soucieux de ne pas se faire remarquer. Or, ces pas, étaient étouffés avec soin. Deux personnes. Deux personnes qui ne voulaient pas se faire remarquer. Ce n’était pas non plus ceux de l’autre abruti qu’elle avait malheureusement rencontré. Bon alors, ils appartenaient à qui ?
Lentement, les pas se rapprochèrent, ralentirent devant sa porte au point même qu’elle crut un instant qu’ils allaient s’arrêter devant sa chambre. Heureusement, après un instant d’hésitation, ils continuèrent et dépassèrent sa porte. Son alter ego s’agita au fond de sa prison spirituelle. Flore eut du mal à la contenir. Oui, il y avait du danger. Oui, elle l’avait aussi senti. Et non, elle ne bougerait pas. Ça n’était pas ses affaires. Après tout, chacun avait ses problèmes et elle n’allait pas se mêler de la vie des autres.

Le calme revint, à peine perturbé par sa propre respiration. Elle avait toujours les yeux fermés mais distinguait toujours parfaitement au son les gouttes d’eau qui s’écrasaient sur le plancher.
Flic. Floc. Flic. Floc.
C’était trop calme. Beaucoup trop calme à son goût. Il fallait qu’elle y remédie. Tout de suite ! L’imminence d’une catastrophe l’étreignait. Que faire ? Ou ne pas faire ? Pas d’inquiétude au sujet de sa propre sécurité. Son épée était là, posée à ses côtés.
Soudain, un cri perçant brisa le silence pesant qui précédait généralement une tempête. Rapide et agile, Flore s’était déjà relevée et emparée de son épée. En deux enjambées elle se retrouva à la porte qu’elle ouvrit à la volée… Pour venir percuter en plein fouet quelque chose de plutôt mou. Le corps de son ancien visiteur fut projeté en arrière, heurtant l’autre côté du petit couloir. Flore apparut dans l’encadrement de la porte et ne cacha pas sa surprise de le voir ici. Merde alors… Trop obnubilée par ce qu’elle venait d’entendre, elle avait oublié une des règles fondamentales qu’elle ne cessait jamais de suivre pourtant : observer et ensuite, seulement ensuite, se porter à l’attaque. Mais le cri était celui d’une femme. Voilà pourquoi elle avait oublié de prendre ses précautions avant. Quelle idiote…
Bref, maintenant, l’autre andouille était plié en deux et cherchant visiblement à en découdre. Flore hésita un instant. Elle avait en effet plusieurs possibilités : en découdre avec lui, l’ignorer avec une petite phrase cynique et courir en direction du cri, ou alors, l’aider à se relever en s’excusant. Hésitant toujours, elle retint un juron qui semblait déplacé dans la bouche d’une aussi jolie demoiselle…
Finalement, ayant pris sa décision, elle s’avança et tendit une main en direction de l’inconnu pour l’aider à se relever.

« Désolée. »

Elle regarda le couloir. Personne. Pas âme qui vive. Le cri s’était arrêté. Que c’était-il passé ?

« L’as-tu entendu, toi aussi ? »

Bien entendu, elle parlait du cri. Elle ne savait pas si ils devaient aller en direction du bruit et voir ce qui se tramait, ou tout bonnement ignorer ça et s’en aller chacun de son côté. Mais Flore était trop curieuse pour en rester là. Elle avait l’intention d’aller voir ce qui se passait. Que ce soit avec ou sans l’autre ahuri.