[quête] Danse macabre

Chapitre 1 : Mounne

Lorsqu'une seule personne nous manque, le monde paraît soudainement dépeuplé.

La terre brûlée crissait sous ses pieds. Globalement, l'ambiance était tout, sauf rassurante. Autour de lui s'étendaient quelques masure en argile. Le bois semblait inexistant dans ce coin d'Umbra et il comprenait pourquoi.
Sa gorge sèche, la sueur qui perlait à son front et la faim qui le rongeait depuis... Non, en faite, la faim était le seul détail qui faisait partie intégrante de son anatomie et n'avait pas de réel rapport avec la châleur ambiante. Pourtant, la température était bien au dessus de la norme. Comme on pouvait s'y attendre du Mont Infernal.
C'était un village qui s'étendait sous ses yeux. Comme la plupart de ceux qu'il avait vu jusque là, un mur "protégeait" les habitants des agresseurs externes. Mais il n'était pas sûr de pouvoir se fier à ce vague tas de terre cuite qui encerclait les bâtisses, surtout à la vue de ces lézardes qui en démentait la solidité. Oui, si cet endroit n'avait pour seule richesse que les structures qui parsemaient les lieux, ces pauvres villageois auraient pu se plaindre de leur situation miséreuse. Et même fuir. Mais ce n'était pas le cas. Entre une crevasse et quelques brins d'herbe jaunie par la sècheresse, on pouvait apercevoir une multitude de points brillants. Mieux encore ! Les joyaux semi enterrés étaient répandus sur toute la surface du sol. Et peut-être même en profondeur.
Une richesse incroyable dont les habitants de Tenamas n'avait sans doute pas eu vent. Ou alors, peut-être les légendes les effrayaient-elles suffisamment pour les dissuader de tenter une percée à travers ce désert. De monstre, il n'en avait rencontré aucun en venant ici. A son grand damne à vrai dire ! Il aurait traqué un Carnivore Décharné [m'est avis que l'inverse aurait été plus vraisemblable] si il en avait vu la trace, ne serait-ce que pour se remplir le ventre. Mais rien. Pas le moindre petit Salesko. Quant aux rares scorpions qui avaient croisé sa route, ils s'étaient hâtés de retourner se cacher avant de finir en brochette.

C'est donc le ventre creux mais les yeux remplis des merveilles que les villageois allaient sans doute lui apporter qu'il s'était avancé vers se village prometteur. Qui n'acceptait pas un étranger sous son toit de peur de recevoir la punition divine, de nos jours ?
Son euphorie fut cependant de courte durée. Les volets claquaient sur sont passage - l'un deux fut fermé tellement violemment qu'il rebondit et notre fier aventurier faillit se faire déboiter le menton... Mais grâce à son adresse légendaire, il parvint à glisser au dernier moment sur un détritus qui traînait, évitant le choc - et les regards se faisaient menaçant. Il eu aussi la chance de recevoir le contenu d'un pot de chambre plus ou moins de plein fouet, de sorte qu'il se demanda nettement si la chose n'avait pas été volontaire.

Sa plus grande surprise arriva lorsque les bâtiments commençaient à se densifier, créant de véritables ruelles, au détour d'un carrefour, tête baissée en hurlant.
Il regarda un poil interloqué la petite chose de moins d'un mètre qui le prenait d'assaut, trop étonné pour réagir avant de tomber sur l'arrière train, le mioche au dessus qui se préparait déjà à le ruer de coups.
Reprenant ses esprits, il saisit les deux points à la volée et poussa le gamin au loin. Sa mère, qui n'avait osé s'approcher, le saisit par le col avant que le téméraire ne retente une attaque suicide.
L'elfe le dévisagea, attendant la suite de cette évènement singulier. Les enfants avaient l'avantage de parler clairement. Et ce fut plus ou moins le cas.

- RENDEZ-MOI PAPA !

Ah. Le mystère s'éclaircissait... un peu. Elio s'approcha du duo. Sa mine était devenue un peu plus sinistre qu'avant. Sans doute les questions qui rebondissaient au fond de son crâne sans trouver de réponse y étaient pour quelque chose. Ajouté à cela, la capuche de son vêtement, rabattue sur sa tête, empirait le tableau. Mais il aurait pu être pris pour un simple voyageur si une lueur bleu ne brillait pas au fond de ses yeux... verts...
Sorcellerie. Sans doute était-ce le premier mot qui venait à l'esprit de ces gens. Il n'avait jamais pris le temps de contempler son reflet, et ce depuis plusieurs mois... voir un an, déjà.

- Et qu'est-ce qui te fait croire que c'est moi qui te l'ait pris ?

Autre changement encore. Son ton glacial. L'indifférence avait cédé la place à la rancoeur. Les humains - comme les orcs et les elfes, d'ailleurs - n'avait plus de place dans son coeur. Ou, du moins, pas la meilleure...

- T'es un méchant !

Elio écarquilla les yeux, faisant reculer les deux étranger de peur. Pourtant, il n'était qu'interloqué. Méchant. Etait-ce vraiment gravé sur son visage ? Il baissa la tête, laissant disparaître son visage dans une ombre protectrice.

- Je vois.

Il commença à s'éloigner, traçant droit devant lui, sans chercher à en savoir plus. Les pensées tourbillonnaient dans son crâne. Méchant... Se trompait-il vraiment ? Est-ce que sa propre route ne le menait nulle part ? De quoi vivait-il ? Pourquoi ? Pour qui ? Une vague image traînait dans son crâne, le hantant sans relâche. Une femme. Elle avait la vingtaine, dans ses souvenirs. Lorsqu'elle est morte. Pour lui. Cela remontait à si longtemps... Un âge où il n'était qu'un enfant. Maintenant qu'il sentait la puissance au fond de lui, il n'y avait... plus rien... à protéger.

- HEY !

Il s'arrêta net, redressant la tête. C'était une voix d'homme. Grave. Tonitruante. Il se retourna, découvrant le personnage gras auquel il s'attendait. Sa barbe broussailleuse descendait jusqu'à son ventre bien bombé. Il était roux et avait la peau mate, dans les mêmes tons que celle de ses congénère. Étrange mélange.

- Vous êtes un étranger n'est-ce pas ?

L'orphelin haussa un sourcil. Quelle déduction. Ce type avait de la ressource apparemment... Le gaillard en avait profité pour s'approcher. L'odeur laissait à désirer mais restait supportable. Lui-même ne devait pas sentir la rose de toutes façon.

- A quoi voyez-vous donc cela ?

Eclat de rire. Déplacé. Mais qu'importe, ce gars avait quelque chose à dire. Il l'écouterait. Si ce n'était pas trop long. Son ventre criait famine depuis un moment déjà.

- Certes, certes. Vous avez la peau blanche. Non, mais, je voulais dire... Vous n'êtes pas d'Umbra.

Cette fois, Elio plissa les yeux. Rare étaient les personnages dépourvus de talents magiques qui étaient capables de faire la différence entre les différentes races.

- Non, je vous assure... Ce p'tit gars n'vous en voulait pas vraiment. C'est just'qu'son père a disparu depuis un moment... Comme plusieurz'autres... Vous... N'avez pas l'air d'un gaillard ordinaire, n'est-ce pas ?

Ce fut à l'elfe de rire. Si maladroit. Si indiscret. Ce type voulait le manipuler à sa façon pour lui demander de l'aider. Comme toujours. Personne ne pouvait se débrouiller seul. La misère régnait partout. C'est pour ça que l'ordre avait pour objectif de changer le monde. Les mondes. Pourtant...

- J'verrais. De toutes façon, ces gars sont sans doute déjà morts à...
- C'EST PAS VRAI !

Elio dévisagea le gamin qui s'était échappé de l'emprise de sa mère. Il le toisait comme... si il était le dernier des ahuris ? Non, juste une menace pour les maigres espoirs qui lui restaient.
Il soupira, puis haussa les épaules.

- A toi de voir. Rêve aussi longtemps que tu le pourras. Le réveil sera d'autant plus dur.

Il le salua de la main et s'éloigna à nouveau, sous les gémissement du môme qui répétait en boucle "c'est pas vrai..." et le dernier espoir de l'autre qui lui hurlait :

- JE PENSE QUE LE PROBLÈME VIENT DE LA MAISON HANTE ! AU NORD !

Mais déjà, il n'était plus qu'une ombre au loin. Lorsqu'il eu disparu, Aya osa demander :

- Tu penses qu'il va nous aider ?

L'autre se contenta de se racler la gorge, vérifia que le petit était bien parti et murmura :

- Je doute ne serait-ce qu'il soit encore possible de nous aider.

Elle hocha la tête, méditative. Ses yeux rougis parlaient d'eux-mêmes. Et leurs paroles étaient tout aussi sombres.

- En tout cas... il a prit le bon chemin...

L'autre hocha la tête.

- Waip. Volontairement ou non. Il est sur la bonne voie. Reste à savoir si il va revenir. Et si c'est le cas... Comment.

Un long silence s'installa entre les deux adultes. Pas un cri d'oiseau. Pas un son. Pas un brin de vent pour alléger ce poids qui pesait dans leurs coeurs, leur faire oublier leurs doutes au cours de ne serait-ce qu'un court instant. Juste le silence de leurs pensées morbides et la peur qui étreignait leur coeur. Ils étaient deux. Mais au fond d'eux, ils restaient seuls.