La pluie, l'homme et le félin (Séphiel) [Terminé]

Invité

Elle avait oublié le calme des rues d'Equilios quand le soir tombait. Cette dernière palpitation des honnêtes gens, les devantures closes au rythme des lanternes qui renvoyaient leur lumière jaune sur les pavés. Ce serait ensuite le tour des fenêtres aux étages et ce petit peuple ne serait plus que des ombres aux bruits étouffés derrière les carreaux comme autant de petites souris dans leur terrier. Les rues devraient normalement se parer d'une population moins rassurante. Mais pas ce soir-là.
Il pleuvait trop.
Ou plutôt, non. Il pleuvait encore raisonnablement, mais le déluge ne tarderait pas.

Ses pas ne raisonnaient plus, couverts par le bruit de la pluie. Lou avançait en reconnaissant les lieux, sans pour autant s'émouvoir. Elle n'était pas partie depuis si longtemps que ça et jetée comme elle l'avait été de la maison, elle n'éprouvait aucun bonheur particuliers à redécouvrir ces endroits familiers. Elle était simplement détendue de traverser un territoire connu. Sans savoir pourquoi, elle prit la direction de la maison de son père. Elle était dans l'un des quartiers les plus calmes, modeste demeure un peu froide et lugubre, mais pourtant encore aujourd'hui rassurante pour la jeune femme. Deux silhouettes se rapprochèrent en courant, emmitouflées jusqu'à la tête par leurs vêtements pour ne pas être trop mouillés. Sans doute deux travailleurs qui regagnaient leur domicile. La jeune femme ne comprenait pas cet entêtement à vouloir se presser sous la pluie. Si le trajet est long, l'effet restera le même. Et puis, on pouvait facilement glisser et perdre encore plus de temps.

L'averse redoubla.
*Bon, ça va, j'ai compris.*
Elle fut trempée en quelques secondes. Tant pis. Lou rit sans savoir pourquoi. C'était habituel, après tout. Elle riait peut-être un peu trop souvent, mais toujours sincèrement. Oui, naïve, avec ça. Personne n'est parfait mais tout le monde peut être heureux comme il l'entend. Après ça, elle ne sut pas trop ce qui se passa. Elle avait marché au hasard des rues, plongée dans ses pensées, sans se soucier du chemin. Son esprit rebondissait sur des idées sans jamais les approfondir. Elle ne faisait que passer le temps sans vouloir aller à l'essentiel : trouver un endroit où passer la nuit. Il était hors de question d'aller chercher refuge chez son père. Il l'accueillerait sans aucun doute à bras ouverts, ce n'était pas un homme mauvais, loin de là. C'était même tout le contraire, mais de voir sa fille partir seule à l'aventure avait dû l'inquiéter au point de se disputer avec elle. Cette dernière savait très bien qu'il ne lui en voulait pas, mais elle n'avait aucune envie de le voir ce soir-là. Il lui faudrait encore du temps pour digérer ses paroles, malgré tout. Et puis zut, la solitude lui faisait du bien.

Ses pas la guidèrent jusqu'à une place déserte. Il faisait plutôt sombre, même si le ciel était d'un gris encore assez clair. Le jour n'était pas encore tout à fait tombé. Il y avait une sorte d'auvent en assez bon état au-dessus de quelques caisses qui ne pouvaient pas en dire autant. Ce n'était pas du luxe, mais si ça pouvait lui éviter d'aller à l'auberge...Elle verrait bien plus tard si elle irait. Peut-être qu'il ferait trop froid pour qu'elle reste dehors. Ou peut-être pas. La jeune femme arriva à couvert, toujours sans se presser. Son manteau était trempé, autrement dit, inutile. Elle l'ôta et le posa sur une pile de caisses, sa sacoche termina dessus. Lou entreprit alors de décharger un peu ses cheveux de toute l'eau qu'ils avaient absorbée jusque là. Penchant la tête de côté, elle attrapa la masse sombre et la tordit à deux mains. Eh bien ! Il y en avait un sacré paquet.

Une fois ceci fait, elle examina les caisses qui restaient et en trouva une à même le sol qui semblait encore bien solide, quoique trouée de tous les côtés, mais elle offrait une surface plane encore en bon état. Au pire, elle passerait à travers et se prendrait un bon fou rire. Mais non, le bois ne céda pas. En revanche, il souffla. Oui, souffla comme un chat qui se sent menacé. Intriguée, elle se pencha et vit un félin plutôt miteux qui faisait le gros dos, pelotonné au fond de l'intérieur de son siège improvisé.

"Je t'ai dérangé, hein ?" Même réponse. "Bon, si tu le prends comme ça...mais je vais rester là un moment, je te préviens."

Elle se redressa et posa son regard sur les façades en face d'elle. Plusieurs pièces étaient éclairées d'une douce lumière jaunâtre, un peu tamisée. Les ombres des habitants se projetaient sur le mur du fond. Selon la hauteur, elle arrivait à les voir. A cette heure-ci, le repas se préparait ou se mangeait. Mais surtout, on allait se presser pour se glisser sous les couvertures pour rester bien au chaud. Du moins, Lou l'imaginait comme ça. Il y avait des gens de tous âges, et pourtant, on aurait dit qu'ils faisaient tous la même chose. En même temps, est-on si exceptionnel de son voisin ? On veut toujours l'espérer, mais comme l'homme est un animal, il y a des choses qui doivent forcément être les mêmes chez chacun. Il faut bien se nourrir, il faut bien dormir et même si on n'a pas la même pensée en le faisant, fondamentalement, c'est le même geste.

Alors qu'elle était plongée dans ses pensées, elle sentit une patte s'appuyer sur sa jambe. Surprise, elle baissa les yeux pour voir deux yeux jaunes la sonder, avec ce mouvement si rapide et mystérieux des chats. Il se tenait sur ses pattes arrières, les oreilles pointées en avant et semblait attendre quelque chose. A manger, sans doute. Le problème, c'est qu'elle n'avait rien sur elle. Enfin, si, un morceau de pain un peu trop dur pour lui. Si elle avait su, elle aurait gardé quelque chose de son dîner. Mais elle ne pouvait pas prévoir qu'elle tomberait sur un petit ventre vide qui avait dû chasser la souris toute la journée. Il se remit en position assise et se ramassa un peu sur lui-même avant de sauter sur les genoux de Lou. C'était prévisible. "Eh bien...On est moins farouche, maintenant." Elle caressa le petit animal qui s'était installé sans gêne sur ses vêtements mouillés. C'était un compagnon comme un autre. Au moins, celui-là ne lui demandait ni de parler, ni de se présenter. Quoique, dans le fond, ça ne l'aurait pas dérangée. Tandis qu'elle continuait machinalement de passer sa main sur la fourrure, son regard fixait un point dans le vide. Ce que la rue pouvait être calme...

La pluie, l'homme et le félin (Séphiel) [Terminé] Notati10

Lou Laosania : 1 xp

Rp clôturé pour non réponse

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