Nuit de pleine Lune [ > Stayn ]

Elle tournoyai, tournoyai, les yeux grands ouverts, un éclat de rire fixé sur ses lèvres fines. Elle voyait les étoiles qui dansaient un étrange ballet au dessus d’elle tandis que sa blonde chevelure flottait au vent, telle une vague gigantesque. Puis prise de tournis, elle se laissa tomber à même le sol en riant de sa bêtise : Elle avait mal à la tête mais était heureuse. Etrange d’ailleurs que ces instants de bonheur volés, il lui semblait revivre. C’était ce qui arrivait avant chaque changement de signe, comme une période de battement pendant laquelle elle pouvait retrouver un semblant d’identité. Comme un geste, une amabilité de Dysnomia -chose impossible-. Elle secoua la tête. Dans quelques minutes, quelques secondes peut-être, elle perdrai à nouveau la raison. Ce n’était qu’une question de temps. Le temps… Allongée dans l’herbe, fixant l’Astre lunaire accompagné de son cortège d’étoiles, elle pensait à Hinnéas. Où es-tu où es-tu criait son âme, pleurait sa mémoire brisée. Attends-moi, tu t’éloignes, tu cours, et moi je te suis.

« Où es-tu ? »

Lassitude.
Elle fit bouger ses orteils, cligna des yeux deux fois, trois fois puis se redressa enfin pour se placer en position assise, soyons convenable, tout de même. Elle fit danser son regard autour d’elle, apprécia la fraîcheur de la nuit et le paysage… Sublime. Les arbres chargés de fruits rivalisaient de beauté avec les fleurs, les plantes grimpantes ou non, les fleuries, les feuillus. Même dans la nuit les couleurs resplendissaient. Même l’herbe était plus belle qu’ailleurs, légèrement courbée par l’air du soir, verte… verte comme les pommes –celles qui ne sont pas rouges-, comme le sang du petit rongeur qu’elle avait éventré l’autre fois. Il saignait vert, amusant comme la nature est surprenante. Un vert magnifique, comme les yeux de sa mère.
Un éclair dans sa tête la fit grimacer, une douleur. Elle n’avait pas de mère.
Elle s’accroupi pour enfin se relever complètement, attrapa son ombrelle qui gisait un peu plus loin. Attirée par un clapotis d’eau, elle s’approchai d’une rivière à l’eau translucide qui coulait ici. L’éclair frappa à nouveau, une fois, deux fois, Dysnomia s’amusai comme une petite folle, prenait son temps, choisissait son signe. Elyssa prit sa tête dans ses mains sans cesser de marcher vers la petite rivière, priant pour que personne ne vienne déranger son repos, craignant ses réactions, craignant la violence, le sang. Debout les pieds dans l’eau, elle se tortillai –spasmes violents- et sa peau la brûlai par endroit, comme des pic. Tac, tac, et elle qui semblait se battre avec un ennemi invisible faisait peur à voir.
Douleur intense.
Soudain, tout se calma et elle tendit les mains devant elle pour les observer. Où était-il cette fois-ci ? Elle regarda donc ses mains puis ses jambes, tordit le cou pour regarder derrière ses épaules mais ne trouva rien. Sentit des sabots s’enfoncer dans son cou, clac clac, sortit un petit miroir de sa poche et chercha le coupable avec application : C’était le petit Bélier, tatoué dans son cou, il bougeai la tête avec fougue.

* Saleté de Démon… *

Et sa conscience de se perdre.

◊ Changement de comportement : Le Bélier ◊

Un sourire aux lèvres, elle se tenait bien droite devant la rivière, rivalisant de beauté avec la nuit. Elle était impatiente et frissonnai de plaisir. Quel dommage qu’il n’y ai personne ici !

Un bruit étouffé un peu plus loin lui avait fait lever un sourcil. Alors, il y avait quelqu’un finalement ? Elle regarda à droite, à gauche. Ne vit rien. Elle ne s’inquiétait pas, elle se sentait plutôt bien. Pas d’envie meurtrière, pas de cannibalisme, pas de Phoenix en vue. Rien d’autre que le calme de la nuit et la lumière des étoiles. Elle se sentait, comment dire, innocente et infantile. Une soudaine envie de se rouler dans l’herbe, de grimper aux arbres gigantesques, de s’immerger dans la rivière et de se laisser emporter par le courant. Oui après tout, pourquoi pas ?
Mais tandis qu’elle s’apprêtai à mettre son idée en application, une chose étrange attira son attention. Une forme sombre et de nature indéterminée qui flottait dans l’eau. Un tronc d’arbre, un amoncellement de tissus, un cadavre… un animal ? C’était bien un animal. Elle plissai les yeux tandis que celui-ci s’agitai et se dirigeai vers la berge d’une nage puissante. C’était un félin, un énorme matou qui se dirigeai vers elle. Elle n’aurai su dire quel animal il était exactement, elle avait tout oublié, ne connaissait plus rien et ne se laissait guider que par son innocent comportement. Le mot « danger » avait définitivement disparu de son vocabulaire tandis qu’elle poussai un cri de ravissement et se voyait déjà fourrer son nez dans le pelage soyeux de la créature. Elle ne voyait plus qu’une énorme peluche, un chaton joueur qui aurai pu lui rappeler bien des souvenirs si elle avait eu toute sa tête. Elle s’approcha.
Regard hypnotique.

L’animal la fixai intensément de ses yeux jaunes orangés, yeux qui brillaient d’un magnifique éclat comme deux perles d’or. Elle le fixai aussi, plongeant son regard dans le sien, y trouvant un certains réconfort, se consolant d’une tristesse inconnue. Elle avait oublié les voix qui lui disaient autrefois –voix ignorantes et autoritaires- les animaux sauvages ne sont pas des bêtes de foire, ne t’approche pas, part en courant ou tu te feras dévorer toute entière. Ne soit pas vulnérable. Ne les fixe pas. Ne les fixe pas...
Elle, elle fixai le félin droit dans les yeux, tendait la main devant elle, s’approchai encore. Aucune crainte, aucune peur. Que voulait-il ?
Il s’éloigna, la distança lentement en exhibant ses crocs blancs qui brillaient dans la nuit. Elle, ravit ne voyait qu’une boule de poil soyeux marcher autour d’elle. Cet animal, si grand, si beau, il pourrai la protéger contre les autres et contre elle-même. Elle s’approcha encore, s’arrêta net.
Blessure sanglante.

Une flèche entre les côtes, une deuxième dans la cuisse. Une dague plantée dans la patte. Et le sang qui coulait, coulait, tâchant l’herbe, lui donnant la nausée. Il allait mourir ? Que faire, que faire ? Et sa respiration était saccadée, elle se laissai tomber au sol.

* Que faire ? *

A quatre pattes, elle se rapprochai doucement de l’animal blessé, tendant encore sa main, murmurant des mots qu’elle espérait rassurants. Elle ne possédait rien, pas de don, pas de pouvoir de guérison, pas d’outils de médecins, pas d’herbes miraculeuses. Que pouvait-elle faire ? Et elle s’approchai, la main bien droite devant elle tout en réfléchissant. Elle était maintenant si proche qu’il aurait pu tout aussi bien lui arracher le bras d’un coup de dents, et bien plus encore. Elle ignorait le danger et la peur, pas par courage non, elle ne connaissait simplement pas les risques de la Nature. Elle tendait la main, ignorante.
Naïveté.

Elle voulait retirer les armes, les deux flèches et la fine dague, ces lames qui faisaient souffrir et n’apportaient que la mort. C’était elles les responsables de la douleur et du sang. Il fallait qu’elle les retire. Elle ne savait pas que c’était la dernière chose à faire, que l’écoulement de sang n’en serait que plus violent, elle voulait tellement faire les choses bien. Soigner.

* Ne bouge pas. *

D’un geste rapide, elle détendit son bras, attrapa la flèche, celle plantée dans le flanc et tira.

Le rugissement poussé par l’animal furieux la fit sursauter tant et si bien qu’elle se laissa tomber en arrière et écarquilla bien grand ses jolis yeux. Cela lui donnait une expression d’étonnement poli, comme à un enfant à qui l’on n’a pas encore apprit les bonnes manières. Elle ne bougeai pas et réfléchissait à cette étrange réaction, pourquoi, comment ? N’aurait-elle du pas faire cela ? Et quand le sombre félin sortit ses crocs acérés et vint coller sa tête tout contre son visage, elle ne bougeai toujours pas. Elle était ailleurs, comme déconnecté, réfléchissait réfléchissait. Que faire de ce gros matou qui venait lui grogner autour de la tête ? Elle n’en savait fichtrement rien.
Elle cligna des yeux.
Le souffle rauque de la panthère faisait voleter de petites mèches blondes autour de son visage, comme de petits satellites gravitant autour d’une planète. Elle pensa à sa magie qui faisait le même effet à ses pauvres cheveux, les dressant sur sa tête. Songeant qu’elle devait ressembler à un épouvantail, elle se mit à rire doucement, et le son cristallin s’éleva lentement dans l’air. S’éteignit.
Silence.

On entendait que la respiration du fauve dans le silence de la nuit, son souffle saccadé –inspiration, expiration- mais il ne bougeait pas. Elle non plus. Et ils étaient là à se regarder dans les yeux, attendant comme une fin du monde qui ne venait pas.
Les crocs disparurent, mais le sang coulait toujours. Le sang… Elle qui avait voulu retirer les trois armes hésitait à présent : La blessure semblait plus grave, plus intense. Et le liquide ocre brillant qui coulait encore et encore l’effrayait. Elle aurai voulu être un médecin.
Le félin s’approcha encore, mais de manière moins violente cette fois-ci. Son museau humait son cou, doucement, délicatement. Elle ne bougeai toujours pas. Immobile, elle attendait.

Quand il recula elle soupira doucement en le regardant d’un œil attendri. Il était vraiment magnifique, puissant, il représentait la nature dans toute sa splendeur, toute sa fureur. Elle attrapa alors sa manche gauche de sa main droite et tira un coup sec. Le tissu se déchira d’un craquement et, une moue dubitative sur le visage, elle s’approcha à nouveau de la patte du félin dans l’intention de stopper l’hémorragie grâce au frêle morceau de tissu.

Spoiler:

Son regard glissait sur elle et ne la lâchait plus. Il l’auscultait, la pénétrait de part en part. La transperçait. Elle se savait analysée sous toutes les coutures et pourtant elle ne parvenait pas à en ressentir la moindre gêne. Peu lui importaient les regards pesant de l’animal, le seul mot qui résonnait dans son esprit –soigner, soigner- semblait clignoter derrière ses rétines. Elle s’en voulait tellement. Le félin demeurait silencieux et immobile. Ni effrayé, ni agressif. Ni agonisant malgré ses blessures. Il la fixai, encore et encore de ses grands yeux ambres tandis qu’elle tripotait de ses doigts le morceau de tissu qu’elle venait d’arracher à ses vêtements. Puis, alors qu’elle allait l’appliquer sur la blessure de l’animal, celui-ci baissa les yeux. Il était là, devant elle, et il baissai les yeux. Ce fauve, cette force de la nature s’inclinai devant elle. Qu’avait-elle donc fait ?
Elle voulu dire quelque chose, bafouilla un peu puis se tu. Lui lança un regard étonné.
Incompréhension totale.

Elle tendait à nouveau sa main vers lui lorsqu’il releva son regard et avança sa patte vers elle. Puis avant qu’elle ne puisse réagir, le félin était contre elle, tout juste contre sa poitrine. Son souffle s’accéléra –que faisait-il ?- mais elle se tenait toujours parfaitement immobile. Silencieuse. Puis, quand leurs visages furent face à face, quand leurs regards se plongèrent à nouveau l’un dans l’autre, elle pensa qu’il pourrai bien lui dévorer la tête avant qu’elle ne s’en rende compte, et qu’elle pourrai bien mourir avant d’avoir une dernière fois levé les yeux vers les étoiles. Un sourire se dessina sur son visage. Elle ne bougerai pas, s’il avait voulu la dévorer, il l’aurai déjà fait. De toute façon elle ne pouvait –ou ne voulait- pas bouger. Une sorte de sérénité l’avait envahi, elle ne pensait plus à rien.
Le regard du fauve s’était transformé. D’inquisiteur il était devenu … interrogateur ? Elle s’assit par terre sans le lâcher des yeux, secoua la tête. Soupira.

« Que cherches-tu ? Qui cherches-tu ? »

Elle tendit un doigt timide, effleura son cou. Le fait que parler à un animal était totalement saugrenu ne lui était même pas venu à l’esprit. Elle ouvrit la bouche, la referma, réfléchi quelques secondes et lança :

« Tu as un nom ? Le mien est Elyssa. Je doute que tu t’en souviennes mais au moins je l’aurai dit. »

Et elle de se laisser retomber allongée dans l’herbe et de regarder les étoiles.

« J’ai l’impression que nous sommes tous deux perdus… »

Pas de réponse.
Juste une patte blessée par une lame de métal devant ses yeux. Elle se redressa, lui jeta un regard paniqué. Rougit, brandit à nouveau son morceau de tissu telle une arme : Elle avait complètement oublié ses blessures. L’obsession revint –soigner, soigner, soigner- et elle secoua la tête comme pour chasser des insectes qui lui bourdonneraient dans les oreilles. L’animal insistait sans broncher, voulait-il qu’elle réitère son geste ? Elle se mordit la lèvre, pensa au sang, la souffrance, le sang… Se prit le visage dans les mains, ferma les yeux puis les rouvrit –cligna cligna cligna des paupières-, se dit qu’elle était folle et tâcha de se calmer un peu.
Quand l’animal se fut couché, elle entreprit tout d’abord de couvrir la première plaie, celle de laquelle elle avait retiré la flèche. Le sang coulait toujours et ne tarda pas à tâcher ses mains, elle s’en moquait. Elle hésita ensuite, l’animal semblait insister pour qu’elle enlève la seconde flèche et la dague. Mais il avait eu si mal. Pourtant, il tendait sa patte blessée avec tant de conviction que, se mordant les lèvres jusqu’au sang, elle entreprit d’accéder à sa requête. Elle retira la dague, puis la flèche. Tenta d’arrêter le flot de sang, pleura un peu, stoppa les hémorragies. Ses vêtements n’étaient plus que lambeaux tant elle les avait arraché afin de panser les blessures de l’animal. Sa peau blanche brillait sous la lumière de l’astre lunaire tandis qu’elle jetait au loin les armes sources de souffrance. C’est soulagée qu’elle revint s’asseoir près du félin. Elle le regarda, sourit malgré elle. S’allongea contre lui, fourrant son nez dans le pelage de l’animal.
Elle était bien.

L’astre lunaire éclairai toujours le verger de sa lumière éclatante, semblant protéger les deux êtres qui s’y trouvaient, blottis l’un contre l’autre. Jamais elle ne se rappelai s’être sentie aussi bien, mais il faut dire que ses souvenirs remontaient à très peu de temps en arrière d’après ce qu’elle en savait. Elle fronça les sourcils tout en réfléchissant, ferma les yeux, les rouvrit. Elle distinguait une falaise, celle d’Umbra surplombant la Mer Pourpre. Elle se souvenait également de Mc Goy –comment l’oublier- et rageait tandis que d’autres détails lui échappaient. Ce n’étaient guère des souvenirs agréables. La seule chose qui demeurait claire comme de l’eau de source dans les débris de sa mémoire était cette vision –Hinnéas et le Démon- qui la poursuivait. La hantait. Elle ne comprenait jamais pourquoi sa mémoire faisait le tri parmi les informations qu’elle récoltait, ou plutôt elle ne le comprenait que trop bien. Ne voulait pas l’admettre : Dysnomia.
Son cerveau explosa.
L’esprit démoniaque n’aimai pas qu’elle pense ni qu’elle réfléchisse. Il fallait qu’elle agisse, qu’elle agisse et qu’elle oublie tout au fur et à mesure. Elle hoqueta en se tenant la tête une fois de plus, se redressa et tâcha de respirer doucement. Sentir l’oxygène parcourir son corps et souffler. Respirer…
Sentant la pression sur son esprit se desserrer, elle reporta son regard sur le bel animal se tenant à ses côtés, lui adressa un petit sourire triste : L’oublierai-t-elle ? C’était probable, mais pas certain. Elle se sentit un peu triste à l’idée de peut-être ne jamais retrouver une telle compagnie. Cette douceur, cette chaleur. Ces gestes simples qui remplacent les mots. Elle soupira une fois de plus en lui jetant un regard attendri.

« Nous sommes si faibles, nous les humains. J’aimerai être comme toi, goûter à cette forme de liberté. Ne plus dépendre, ne plus… obéir… »

Sa voix se perdit peu à peu tandis qu’un brin de mélancolie la gagnait.
Silence.

« Étrange été
Des plaisirs j'en ai eus
Des amazones à cru
Et mes désirs enfouis
Je n’ai pas fini,
Pas fini … »

Et sa voix de s’élever à nouveau dans un chant cristallin, un pauvre couplet qui lui était revenu aux lèvres durant quelques instants. Elle s’arrêta –le félin ronronnait- sourit. S’allongea à nouveau dans l’herbe pour se relever immédiatement, un air boudeur sur le visage.

« Il pleut ! »

Elle rit en pensant que ce n’était guère flatteur pour son timbre de voix et alla bien vite s’abriter sous son ombrelle qui faisait en l’occurrence office de parapluie. Elle n’avait pas vu les nuages s’amonceler doucement dans le ciel, formant une figure opaque se laissant porter doucement par le vent qui soufflait à présent. Les gouttes se faisaient de plus en plus nombreuses et l’orage semblait imminent.
Son compagnon, lui, semblait s’agiter un peu dans tous les sens et elle le regardai avec amusement, ne sachant guère ce que tout ceci signifiait. Puis, alors qu’elle s’apprêtait à se lever afin d’aller s’abriter un peu mieux sous les arbres s'élevant à ses côtés, un bruissement venant de la forêt proche attira son attention. Ni une ni deux, elle dressa l’oreille et, tout sourire, se dirigea vers le bruit en question afin d’assouvir sa curiosité –quel vilain défaut dit-on souvent-. Non consciente d’un éventuel danger, elle marchait rapidement sans plus s’occuper de la panthère noire laissée derrière elle, n’ayant plus que pour seule envie de voir ce qui provoquait cette agitation dans les bois. L’agitation, d’ailleurs, se faisait de plus en plus violente et, tandis que le tonnerre se mettait à gronder, une créature apparu devant elle et la fixa de ses yeux jaunes.

Spoiler:

Elle stoppa sa marche et ne bougea plus, inconsciente, ne pensant pas qu’un canidé tel que le Gnoll qui se tenait devant elle pourrait lui arracher la tête ou la décapiter à l’aide de la lourde hache qu’il tenait à la main.

Quand le sombre félin bondit par-dessus elle, toutes dents au dehors, pour se précipiter sur le Gnoll, elle tomba à la renverse de surprise. Pourquoi l’attaquer ? Cette créature était-elle vraiment mauvaise ? Elle fronça les sourcils en se relevant, époussetant doucement de ce qu’il restait de ses pauvres vêtements réduits en charpie par ses soins. Puis elle leva les yeux, perles bleutées qui s’agrandirent de terreur quand elle vit les restes de la scène qui s’était jouée devant elle : La mâchoire puissante avait fait son œuvre de mort, le sang et la chair maculaient l’herbe encore si pure quelques instants auparavant. Le Gnoll, inerte sur le sol, avait quitté ce monde à jamais. A cette vision sa respiration s’accéléra –se fit saccadée- et elle recula précipitamment de quelques pas rapides.
Sanglante terreur.

« C’est… »

La panthère se trouvait entre elle et la carcasse sanguinolente de la créature sauvage. Elle était statique, inspectait les alentours en humant l’air. Immobile. Elyssa fit glisser son regard sur son flanc et sursauta une fois de plus, ne pouvant réprimer un court gémissement. Le sang –encore lui- coulait, le sang chaud des blessures fraichement ré-ouvertes. Le sang de la douleur. Ce spectacle lui faisait si mal aux yeux qu’elle s’éloigna encore, puis revint immédiatement à petits pas précipités près de l’animal afin d’essayer de le soulager. Il ne lui en laissa pas le temps. Brusquement il la poussa, l’éloigna des arbres pour l’emmener un peu plus loin. Elle se laissa faire sans vraiment comprendre, elle aurai voulu rester sous les cimes pour se protéger de la pluie et pour admirer les troncs centenaires. Elle se sentait contrariée et n’aimai pas cela : A vrai dire, elle avait déjà oublié le danger. Enfin, l’avait-elle déjà perçu ?
Entêtement prolongé.

Elle s’était assise par terre, bien décidée à ce qu’on ne la déloge pas de son emplacement, têtue comme une enfant à qui l’on refuse une sucrerie. Un autre Gnoll, et le félin qui se battait à nouveau. Tout n’était qu’un enchevêtrement de griffes et de crocs, de sang et de sueur. Les grognements, les cris poussés par les deux combattants ponctuaient l’angoissant combat qui se déroulait sous les yeux incrédules de la jeune femme. Elle ne faisait rien d’autre que de fixer les deux créatures, sans agir. Elle n’avait pas la force de faire quoi que ce soit.
Impatiente attente.

Des griffes acérées vinrent déchirer la chaire de sa cuisse, le sang gicla une fois de plus. Elle hurla. Se releva précipitamment. S’éloigna en boitillant, effrayée. Elle sentait que c’était la fin, qu’elle devait partir. Une sensation étrange lui tiraillait maintenant le ventre : Elle ne voulait plus rester là. Le combat était maintenant terminé mais déjà ses pas l’avaient bien éloignée de son nouveau compagnon.
Egoïsme implacable.

Son ami –cette panthère- était fatiguée. Blessée. Et elle, elle partait, ses jambes la portait bien loin malgré elle. Elle ne savait pas si c’était elle ou la Démone qui la faisait fuir, sa couardise ou le besoin qu’avait Dysnomia de la maintenir en vie coûte que coûte. Car elle la maintenait en vie malgré tout, c’était indiscutable. Encore un mystère à éclaircir. Encore une question à poser au doux visage portant le nom d’Hinnéas.
Elle se mit à courir afin de quitter cet endroit le plus vite possible. Pour la première fois en cette nuit de pleine Lune, elle avait peur.

Spoiler: